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Carla Bley & Paolo Fresu au Tourcoing Jazz Festival

Mardi 23 octobre, troisième soirée du Tourcoing Planètes Jazz Festival. Dans le théâtre municipal Raymond Devos qui a déjà vu nous vivre de bien beaux moments musicaux. On attend ce soir avec impatience Carla Bley. Emblématique muse qui a fourni leurs plus beaux morceaux à des musiciens de la trempe de Jimmy Guiffre, Art Farmer ou Charlie Haden.
Celle qui arrivée adolescente à New-york pour être cigarette girl au Birdland est devenue une des plus grandes compositrices de jazz n’a rien perdu de sa plume ni de son instinct pour débusquer ses musiciens.

Elle monte sur scène accompagnée de son groupe The Lost Chords, Billy Drummond à la batterie, Andy Sheppard aux saxophones et enfin Steve Swallow à la basse son compagnon et partenaire depuis plus de vingt ans. Par étourderie ou pour pousser le clin d’œil, on a oublié d’annoncer le dernier musicien qui arrive sur scène, le trompettiste sarde Paolo Fresu.

C’est que le programme du concert est tiré de l’album « The Lost Chords find Paolo Fresu ». Si l’on en croit la pochette, le groupe a effectué un véritable périple de Bogotta à Rome à travers jungle et orchestre de mariachi pour mettre la main sur l’italien à Rome ou il leur serait apparu comme une vision dans une des cours du Vatican.
C’est en réalité, Andy Sheppard qui a la lumineuse idée de l’associer à ce projet. On l’aurait d’ailleurs deviné à les entendre à l’unisson entamer le premier thème du Banana quintet, la suite de compositions qui entame le disque comme le concert.

C’est d’ailleurs la genèse de cette suite que tente d’expliquer Carla Bley dans son français débutant. Si cette histoire de banane (« une banane, deux bananes, trois bananes, quatre pas la banane, cinq bananes, plus encore une toute petite presque demi banane » dans le texte) reste obscure à l’oral, dès que la musique s’élève tout devient limpide, des intervalles de quinte, des chorus de cinq mesures ou de multiples, c’est sous ce nombre qu’est placée la musique. Mais c’est aussi plus que cela, la demi banane surnuméraire c’est l’émotion, la place laissée aux timbres qui resonnent, l’amour de la musique palpable chez les cinq musiciens concentrés d’un bout à l’autre sur leur son.

Car la véritable vedette du groupe c’est le son. Celui de Paolo Fresu d’abord qui fascine Carla Bley : « Paolo est pour moi une créature exotique. Je ne suis pas sur qu’il soit complètement humain ». Si le sarde n’est pas de cette planète, il y a à fort à parier qu’Andy Sheppard vient du même coin de l’univers. Les deux solistes littéralement portés par les subtiles harmonies de la pianiste, se répondent et s’unissent comme s’il étaient télépathes, chacun prenant à son tour longuement la parole comme pour explorer toutes les pistes dont regorgent les thèmes faussement anguleux du Banana Quintet.

Le public, béat et gourmand attend l’extrême fin des pièces et le silence total pour applaudir.
Peine perdue, Carla Bley bat la mesure et enchaîne les morceaux.
Tout pour la musique, tout pour la beauté, il ne faut pas attendre d’elle qu’elle se mette en avant, à peine prendra-t-elle un ou deux solos, exquis de concision et pourtant plein de trouvailles. Elle est de ces musiciens qui d’un accord ouvrent des voies nouvelles à ses camarades de jeu, qui d’une note parviennent à suspendre le souffle du public.

Tout aussi discrets sont Steve Swallow et Billy Drumond, le premier introduit quelques une des compositions sur sa guitare basse électro-acoustique à 6 cordes tandis que le batteur dynamise l’ensemble soulignant les improvisations des cuivres et leur ajustant les tempos comme si il les avait jouées lui-même. Ces deux là forment avec Carla Bley un trio équilatéral, jamais à court d’idées et d’une mise en place impeccable.

La compositrice qui n’avait plus écrit pour petites formations depuis le sublime « Guenuine Tong Funeral » avouait récemment au magazine Jazzman qu’il lui avait semblé difficile d’écrire pour un quintet car elle ne disposait plus que d’une voix pour répondre au soliste. On a grand mal à la croire en entendant le decrescendo final du thème « Death of the Superman » ou Paolo Fresu et Andy Sheppard finissent par ne plus jouer que les clefs de leur instruments laissant le public bouche bée.

Après une heure et demie passée comme dans un rêve, on est surpris de l’annonce du morceau final, une veille composition « Ad infinitum » dont on jurerait qu’elle a été écrite pour l’occasion. Un rappel, sobre et un dernier thème conclut à l’unisson. Un dernier frisson.
Le silence d’après qui comme dit l’autre est encore de Carla Bley. Les spectateurs partent, rassurés : il y encore des musiciens qui vivent et jouent pour leur musique et rien que pour elle.

Pour en savoir plus sur Carla Bley et Steve Swallow, allez faire un tour sur le très joli site du Label qu’ils ont fondés ici : www.wattxtrawatt.com

Et puis comme rien ne vaut l’écoute, jetez donc une oreille sur quelques unes des merveilles ci-dessous :
The Lost chords find Paolo Fresu (2007/ Watt works/ECM)
The Lost chord (2003/Watt works/ECM)
Les deux disques de cette formation, pour mesurer l’apport de Paolo Fresu et puis les historiques :

A Genuine Tong Funeral (1968)
Une œuvre majeure écrite pour la formation de Gary Burton, qui notez-le, sera samedi soir en clôture du festival avec le quartet « américain » de Richard Galliano au théâtre municipal Raymond Devos à 20h.

Escalator over the Hill (1971)
L’opéra Jazz qui a assit sa réputation de compositrice. Avec les mots du poète, Paul Haines.

The Ballade of the Fallen (1983) avec Charlie Haden.

Go Together (1992) avec Steve Swallow.
Un superbe disque de duos qui illustre à merveille la complicité qui unit les deux musiciens.

Enfin pour la programmation de la suite du festival et tout autre renseignement tout est ici : www.tourcoing-jazz-festival.com/

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