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Arno à l’Aéronef

Arno. Quatre petites lettres. Mais un bonhomme immense. Une carrière de 40ans (il a fondé son premier groupe Tjens Couter en 1970) marquée évidemment par sa présence dans le mythique combo belge TC Matic et une carrière solo entamée en 1986 auréolée de succès, critique et commercial. Un univers et des textes poétiques et absurdes à la belgitude prononcée et extrêmement touchants. Une aura et une personnalité artistique particulières faisant de lui l'égal d'un Brel, d'un Gainsbourg, d'un Bashung ou d'un Higelin. Et un public fidèle: malgré le froid et les tempêtes de neige, l'Aéronef, en ce soir du 04 décembre 2010, est plein à craquer.

 

Sans première partie, ni autres fioritures, les musiciens du chanteur arrivent discrètement sur la scène lilloise, aux lumières enfumées et tamisées, et entament les premiers accords du morceau « Brussld » extrait du dernier album éponyme. L'introduction se fait lente, presque planante et la choriste du chanteur, Sabrine El Koulali, y apporte une douceur toute orientale. Sous un tonnerre d'applaudissements, Arno, tout de noir vêtu, fait son apparition, saisit le micro et, de sa voix éraillée, façonnée par l'alcool et la clope, éructe les premières paroles de la chanson: « Let's sing this song for Linda, Mustapha, Jean-Pierre, Fatima, Michel and Paul, The Brain Of God, les Flamands et les Wallons, You and Me and Mrs Nobody ». Le ton de la soirée est donné. L'heure est à l'universalité et au rassemblement. Prenant la capitale de son pays natal comme un symbole de la mixité, Arno prônera, à travers ses chansons une certaine idée, du cosmopolitisme et de la mixité culturelle. Car « Putain, putain, on est quand même tous des européens! ».

Et ceci sans discours démagogiques. Juste par la force de la musique. En chantant en anglais et en français. En faisant jouer sur scène un guitariste allemand, un bassiste yougouslave (« mais qui n'est pas méchant, je te rassure »), un clavier belge, un batteur métis et une choriste d'origine marocaine. Puis en se faisant alterner morceaux Rock saturés de guitares électriques (« Ratatat », « Black Dog Day », le cradingue et Tom Waitsien « God Save The Kiss », « Ça Monte », « Nager »...) et purs instants de douceur où, pour marquer une pause, le chanteur s'installe alors, tel un pilier de bar fatigué, sur une chaise placée derrière lui. Des chansons mélancoliques, tristes comme une gueule de bois mais non dénuées d'humour: « Quelqu'un A Touché Ma Femme » (où l'on peut entendre ce merveilleux « Elle se sent vide comme un condom de vieux pépé »), « Mademoiselle » ou encore « Elle Pense Quand Elle Danse », écrite pour consoler son fils d'un chagrin d'amour. Rupture qu'il a tenté de dédramatiser, nous confie-t-il, en lui rappelant qu' « il y a, dans le monde, plus de femmes que de chinois! ». Fidèle à ses reprises décalées, il reprend également de manière très personnelle, simplement accompagné des notes de piano de son fidèle complice Serge Feys, le « Get Up Stand Up » de Bob Marley. Une version où Chopin aurait abusé de la ganja et qu'il introduit par ce laconique constat: « Il y a, aujourd'hui, plus de socialisme dans un salon de coiffure que chez les socialistes! ».

Plus qu'un chanteur, Arno est un personnage à part entière, faisant corps avec ses textes et son univers décalé. Un homme au charisme indéniable, à la gueule cassée, ayant la beauté fracassée des survivants et, dans les yeux, la sagesse pétillante de ceux revenus de tout, surtout des excès. Un homme qui vampirise la scène et que l'on ne peut s'empêcher de regarder, éclipsant la présence de ses musiciens, aussi bons soient-ils. Un homme profondément humain et généreux, régalant le public de digressions savoureuses sur sa grand-mère « aux roberts gros comme des bulldozers et qui était une vraie salope» (pour présenter le morceau « Lola ») ou sur son dépucelage avec une lilloise. Anecdodes ou élucubrations? Lard ou fricadelle? Peu importe. Dans sa candeur céleste, il nous touche, nous émeut, nous fait passer des rires aux larmes. A l'image de ce rappel où chantant successivement « Les Yeux De Ma Mère » et « Les Filles De Bord Mer », il nous fait passer d'Oedipe à Eros, de l'amour que l'on peut porter à sa mère au désir sexuel que l'on éprouve adolescent.

Un grand moment avec un grand monsieur. Putain, putain, c'est quand même vachement bien... un concert d'Arno.

 

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