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« Une pieuvre au plafond » : le premier roman de la Lilloise Melvin Melissa

« Une pieuvre au plafond » : le premier roman de la Lilloise Melvin Melissa

Melvin Melissa Une pieuvre au plafond Style : Roman Date de l’événement : 20/08/2025

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Originaire du Nord, Melvin Melissa signe avec Une pieuvre au plafond un premier roman fort et singulier. On y parle de résilience, de drogues, de violences, de polyamour, mais aussi d’art, de mer, de musique et de reconstruction. À l’occasion de la sortie de son roman le 20 août 2025, on a échangé avec elle sur ses inspirations, ses personnages et la place centrale qu’elle donne à sa région. Découvrez notre entretien.

Une pieuvre au plafond

Quelle est la genèse de ce roman ? Comment son idée est-elle née ?

Melvin Melissa : La genèse du roman arrive à une époque où j'ai été fascinée par les poulpes, parce que c'est un animal très résilient. Il peut changer de forme, de couleur, il peut s'amputer volontairement d'un tentacule et le faire repousser ensuite. Je me suis dit que cet animal, pour moi, c'est l'image même de la résilience. J'avais envie d'écrire un livre féministe et queer sur la question des usages de drogue et des violences sexistes et sexuelles. Je suis donc partie de cette idée de guérison avec le poulpe, parce que l'héroïne justement est fascinée par les poulpes, c’est son animal préféré.

On va parler justement de tous ces sujets. Simon et Sibylle sont des artistes cabossés par la vie, mais très attachants. Qu’est-ce qui t’a inspiré ces personnages ?

Melvin Melissa : Je pense que comme tous les primo-romanciers, il y a une partie autobiographique. Et après, la fiction est venue se nicher dans les interstices que j'avais volontairement laissés. Ce qui m'a inspirée pour Simon et Sybille, ce sont vraiment des livres comme Trainspotting d'Irvine Welsh, le livre de Leslie Feinberg, Stone Butch Blues… Bref, ça m'a vraiment inspirée parce que j'ai fait mon mémoire sur Trainspotting et ça a été une révolution. Je trouve qu'Irvine Welsh est vraiment un maître dans l'art de la fresque sociale.

Ce qui m'a inspirée pour Simon et Sybille, ce sont vraiment des livres comme Trainspotting d'Irvine Welsh, le livre de Leslie Feinberg, Stone Butch Blues…

Melvin Melissa

Tu parles de choses très dures comme les violences sexuelles ou l’addiction, mais sans jamais tomber dans le lourd ou le misérabilisme. Comment as-tu trouvé le ton juste ?

Melvin Melissa : Déjà, en me renseignant. Juste quand on se renseigne, quand on parle avec les usagers de drogue, quand on est dans le milieu, ça casse un peu tous les clichés qu’on peut avoir sur les addicts. Ils sont souvent représentés comme des gens à la rue, en rupture sociale, en isolement. Souvent aussi comme des gens qui n’ont pas de projet à part se droguer, ce qui est complètement faux. Je voulais vraiment poser un regard tendre et lucide sur ces personnes, qui sont très décriées, et c’est très tabou. Et surtout, en France, on a un système de politique des drogues qui est basé sur la répression et l’exclusion des usagers. Au lieu de prendre soin de leur santé, on est tout de suite dans la stigmatisation.

Je voulais vraiment montrer ces clichés. Parce que quand on parle de drogue, tout de suite, on pense à Requiem for a Dream, à des images trash comme ça, aux opiacés aux États-Unis… Et je voulais aussi montrer que ce sont des gens qui ont des rêves, qui ont des projets, qui veulent s’en sortir, et que la société produit aussi ces addictions-là, dans sa violence, son patriarcat, son racisme, etc.

On ne tombe pas addict comme ça du jour au lendemain. Il y a toujours quelque chose qui fait, qui encourage cette addiction. Et surtout dans ce contexte un peu pourri en ce moment, où je trouve que la diversité est menacée, où les droits des femmes sont menacés… Je trouve que c’est d’autant plus vrai qu’il y a une chute. C’est un moyen de s’en sortir, je pense, mais qui n’est pas le bon sur le long terme. Mais je voulais vraiment sortir de cette stigmatisation, et vraiment parler du vrai.

Et je voulais aussi montrer que ce sont des gens* qui ont des rêves, qui ont des projets, qui veulent s’en sortir, et que la société produit aussi ces addictions-là, dans sa violence, son patriarcat, son racisme, etc.

Melvin Melissa

* les personnes avec des addictions.

Dans le livre, tu abordes le sujet du polyamour, de l’amour à trois, du trouple. Qu’est-ce que tu as voulu montrer à travers cette relation entre Sybille, Simon et Haroun ?

Melvin Melissa : Alors, c’est venu comme ça. C’était pas prévu. À la base, Simon ne devait pas exister. Et en fait, il est arrivé, il a changé tout le roman. C’est un personnage qui est arrivé déjà complet, avec son histoire, son nom, j’avais rien à construire. Il est arrivé comme ça.

Et Haroun, pour moi, c’était important de le laisser, parce que c’est vraiment la force tranquille du roman. C’est un personnage qui apporte beaucoup de lumière, de douceur, etc. Je voulais montrer que toutes les formes d’amour sont valides. Que ce n’est pas anormal, et que la reconstruction des personnages, elle n’est pas anormale. C’est pour ça, des fois, j’ai un peu de mal quand on dit que ce sont des marginaux. Mais qu’est-ce qu’on entend par marginaux ? C’est une tournure un peu violente, et je voulais montrer que ce n’est pas parce que justement cette reconstruction se fait en dehors des normes établies, qu’on sort de la monogamie, de l’hétéronormativité, que c’est anormal ou exceptionnel. C’est aussi pour ça que je n’ai pas forcément voulu que les personnages aient des discussions du type « on est quoi, machin… » Je voulais vraiment quelque chose de fluide, de naturel, qui se construit. Dans la pratique, c’est pas toujours comme ça, mais je voulais vraiment en faire quelque chose qui ne pose pas question. C’était évident que ce n’étaient pas des personnages qui allaient rester dans la norme.

Il y a beaucoup de nature, de mer, de musique, d’art dans le roman. C’était important pour toi de mêler tout ça à l’histoire ? C'était déjà prévu ou c’est au fil de l’écriture que l’inspiration est venue ?

Melvin Melissa : Un peu les deux. Je suis une fana de nature, de biologie. Et je suis une fana de musique aussi. J’adore ça. La reconstruction qui passe par l’art, ce n'est pas très novateur, mais c’est vrai. Je voulais vraiment rendre hommage à tout ce qui m’a inspirée. J’ai grandi à la mer, à Berck. Ça m’a beaucoup nourrie quand j’étais petite. Et puis la musique, j’écris en musique. Ce qui m’a vraiment marquée, c’est toute la musique rock, le punk, la dark wave, le metal.

Il y a des groupes féministes qui m’ont donné la niaque pour écrire le livre. Je pense à Bikini Kill, qui est citée dans le livre, à Lunachicks, à Bratmobile, à Destroy Boys, qui ne sont pas très connus. C’est récent comme groupe, mais c’est vraiment chouette aussi. Je trouvais que c’était important d’en parler.

Il y a des groupes féministes qui m’ont donné la niaque pour écrire le livre.

Melvin Melissa

Après, il y a des groupes un peu plus connus commeThe Cure, j’enfonce des portes ouvertes, c’est pas très niche. Mais c’était important pour moi de rendre hommage à tous ces artistes qui m’ont construite. Et puis mettre des groupes féministes, c’était important. Parce que le milieu punk, souvent on dit que c’est anti-conformiste, anti-autoritarisme… mais c’est vachement macho. C’est vachement hétéro. Donc je me suis dit : des meufs qui prennent la place, c’est important aussi.

Et le fait que tu écrives en musique, ça vient de là, les petits encarts à chaque début de chapitre ? C’est ce que tu écoutais pendant que tu écrivais ce chapitre-là ? Ou c’est ce qui représentait le mieux ce que tu allais y raconter ?

Melvin Melissa : Soit c’étaient des musiques que j’écoutais, soit je suis tombée dessus et j’ai fait : ah, ça colle, c’est bien, on va garder ça. C’était un peu des deux.

Il y a aussi une raison pour laquelle on a voulu lire le livre et te rencontrer, c’est parce que tu parles de beaucoup de lieux qu’on connaît ici à Lille. Pourquoi ce choix de nommer les lieux aussi précisément ?

Melvin Melissa : Parce que j’aime bien inscrire les œuvres dans une géographie. J’aime vraiment bien, parce que moi, ça m’aide à me sentir proche. Je trouve que ça donne un effet de réel aussi. Et puis je suis très attachée à ma région, franchement. J’adore Lille, j’adore toute ma région. J’avais envie de parler de ce que je connaissais, et de mettre un peu en lumière aussi, parce que j’en avais marre de tous ces romans qui se passent à Paris.

J’avais envie de centrer dans un lieu que je connais, que je peux mettre en valeur. Même s’il y a des lieux fictifs, comme le bar du deuxième chapitre. Mais c’était vraiment pour mettre en valeur l’endroit où je vivais. Je pense que je vais continuer d’écrire sur Lille !

C’est un premier roman très fort et personnel. Qu’aimerais-tu que les lecteurs retiennent, quand ils tournent la dernière page ?

Melvin Melissa : Ça, c’est une bonne question. C’est peut-être un peu bateau, mais qu’il ne faut pas juger les gens. Il faut accepter les autres pour ce qu’ils sont, pas pour ce qu’on aimerait qu’ils soient. Dans le bien comme dans le mauvais.

Je pense que c’est ça, la leçon à retenir : chacun a son propre chemin de guérison. La guérison n’est pas linéaire. Il y a des hauts, des bas, des rechutes… c’est normal, c’est humain. Il ne faut pas s’en vouloir. Voilà. Je pense que c’est ça.

Je pense que c’est ça, la leçon à retenir : chacun a son propre chemin de guérison. La guérison n’est pas linéaire.

Melvin Melissa

Est-ce que tu penses déjà à la suite ?

Melvin Melissa : Là, j’ai le deuxième dans ma tête. Il va falloir que je commence à m’y mettre. Je compte continuer de parler de sujets queer, féministes. Je vais aussi parler de validisme, et continuer sur tout ce qui est drogue. Je vais partir dans les psychédéliques. Et je vais parler d’handicap invisible.

Les informations pratiques sur une pieuvre au plafond

Une pieuvre au plafond de Melvin Melissa
Édition : Rivages
Parution : 20 août 2025
Prix : 20 €

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