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« L’amour c’est surcoté » : Entretien avec Mourad Winter et Benjamin Tranié

« L’amour c’est surcoté » : Entretien avec Mourad Winter et Benjamin Tranié

Mourad Winter et Benjamin Tranié L'amour c'est surcoté Style : Cinéma Date de l’événement : 23/04/2025

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L'Actu Ciné de LillelaNuit vous propose de découvrir L'Amour c'est surcoté, que Mourad Winter a adapté de son propre roman. Avec son style incisif, caustique pétillant, le réalisateur nous offre une comédie romantique actuelle, portée par Hakim Jemili, Laura Felpin et Benjamin Tranié. Sorti le 23 avril, le film est toujours à l'affiche. Entretien avec Mourad Winter et Benjamin Tranié.

Aviez-vous des velléités à réaliser des films ?

Mourad Winter : J'y ai toujours pensé un petit peu. Je me ferme très peu de portes, mais je ne les ouvre pas non plus. C'est-à-dire que s'il faut le faire, je vais le faire. Je ne sauve pas des vies. Il n'y a pas besoin de diplôme ou autre. Il faut s'y mettre, il faut bosser et y aller. La narration m'a toujours intéressé depuis petit. Écrire des fictions, c'est quelque chose qui m'a bercé. Du coup, je me suis senti vraiment légitime. Pourtant, je n'avais jamais porté une caméra de ma vie.

Un roman est une forme d’art, mais un scénario est un matériau pour le cinéma. Quels furent vos choix d'adaptation pour L'Amour c'est surcoté ? Êtes-vous êtes resté fidèle à votre livre ou êtes-vous parti vers autre chose ?

Benjamin Tranié : En tant que fan du livre, j'avais un peu d'appréhension au moment de lire le scénario. J’étais vraiment attaché à l’œuvre originale, mais Mourad a apporté un nouvel angle, surtout avec la dynamique du meilleur ami, qui est plus développée dans le film. Cette partie de l’histoire est mise en avant et cela a ajouté une vraie plus-value. J’ai trouvé ça génial, et je pense que même les fans du livre apprécieront ces nouvelles facettes. Bien sûr, l'humour, l’acidité des vannes, est resté fidèle à l’esprit du livre, tout en étant accessible à un public plus large.

Au centre, Benjamin Tranié.

Le film raconte l'histoire d'un homme qui galère avec les femmes, est-ce autobiographique ?

Mourad Winter : (rires) Ça fait 11 ans que je suis marié, donc je ne suis plus sur le marché ! Mais c'était clairement moi entre 15 et 25 ans. On est tous nuls avec les meufs. C'est comme être père de famille. Je me suis rendu compte qu'on est tous des mauvais pères de famille et qu'en fait, il n'y a pas de bouquin explique comment être parfait. Parfois, il faut se regarder dans le miroir à travers les personnages pour comprendre un peu mieux qui on est.

Auriez-vous pu interpréter ce personnage ?

Mourad Winter : Non, parce qu'il y a de meilleurs comédiens que moi. Je ne suis pas comédien.

Hakim Jemili.

Vous n'étiez pas non plus réalisateur !

Mourad Winter : C’est vrai, mais je savais que la réalisation, est avant tout une question de rythme, de mise en scène, de musique. Et même si je n’étais pas un expert, j’ai toujours été fasciné par la façon dont une caméra peut raconter une histoire. Quand je regarde un film, je me demande toujours pourquoi la caméra est placée ici ou là, et ce qu’elle veut nous dire. Ma femme déteste ça, je m’arrête tout le temps pour analyser chaque plan ! J'ai toujours été assez casse-couille là-dessus. Pour le personnage d’Anis, Hakim Jemili est l'acteur qu’il me fallait. Il était vraiment parfait pour incarner ce rôle. On se connaît, on se comprend. Et lui, quand il a lu le bouquin, il m'a dit :  « Mais c'est moi, ça ! » Donc, forcément, ça facilite.

Avez-vous l’impression qu'Hakim Jemili est votre double ?

Mourad Winter : Plutôt ma doublure cascade ! (rires) Il va au charbon pour mettre un peu mes idées à l'image. Et c'est pour ça qu'on re-bosse ensemble sur le prochain projet. Parce que je pense avoir trouvé le gars. Et puis on se comprend. Il suffit d'un regard, ça va assez vite.

Concernant le personnage de Paul, comment crée-t-on, même si on a des dialogues, le seul facho de la planète qui soit vraiment sympa ?

Mourad Winter : La chance avec Benjamin, c'est qu'on comprend tout de suite qu'il est dans la vanne. Il a ce physique et ce ton qui permettent de savoir que tout est à prendre au second degré. Polo fait des blagues racistes, mais au milieu de Noirs et d'Arabes, c'est son groupe de potes. C’est un peu comme dans la vie, avec nos amis : on se lance des vannes qu’on ne dirait jamais en public.

Benjamin Tranié : Polo, c’est un peu le mec dans les groupes WhatsApp de potes, sauf qu’il dit ses vannes en face.

Mourad Winter : Mais ses potes connaissent le personnage. Et puis, c'est devenu des vannes qu'ils se font tous quotidiennement. Mais comme nous, je veux dire... Avec nos potes, on est comme ça. Des vannes sur les Arabes, je m'en prends vraiment tous les jours.

C’est intéressant, car beaucoup de gens font en privée des blagues que plus personne n'oserait dire en public. Où est la limite dans la transgression ?

Mourad Winter : On est dans un film, donc tout se fait dans un cadre où c’est compris. Après, dans la vie quotidienne, ça serait plus compliqué. Moi, j'ai grandi avec Les Inconnus. Eux, ils avaient l'excuse du sketch. On sait très bien que c'était que du second degré, qu'il n'étaient pas racistes. Quand Pascal Légitimus, prend l'accent maghrébin, je pleure de rire. Ce n'est pas parce que ça me fait rire que je suis une mauvaise personne, ou que Légitimus soit un mauvais gars.

Benjamin Tranié : Tu sais qu'ils sont clean aussi dans leurs blagues. C'est pas des fachos dans la vie.

Mourad Winter : Exactement, ils sont clean, c'est des bons gars. L’humour permet de rire de tout, mais il faut être dans un cadre où cela est compris. Comme le dit une phrase du film : “On n'essaie plus de savoir si tu es quelqu’un de cool, on essaie juste de prouver que t’es un connard”. C’est un peu l’époque actuelle. Internet a changé la donne, et tout le monde semble prêt à s’offusquer à tout moment. Mais, pour moi, c’est important de savoir quand une blague est faite avec bienveillance.

Benjamin Tranié : Sur Nova, j’ai souvent fait des vannes à Yassine Belattar, mais c’était dans un cadre où je savais qu’il n’y aurait pas de malentendus.

Vous parlez des Inconnus. Or, Didier Bourdon a dit récemment que les sketches des Inconnus, aujourd'hui, ne pourraient plus se faire. Quelle est votre limite ?

Mourad Winter : Honnêtement, c'est très prétentieux de dire ça, mais je ne m'impose pas de limite. Parce que si je commence à me mettre des limites, je deviens hyper fade et je ne m'aime pas. Si je commence à m’autocensurer, je perds toute authenticité. Je n'aime pas me limiter, je fais ce qui me fait rire, et c’est ça qui compte.

Si je commence à me mettre des limites, je deviens hyper fade et je ne m'aime pas.

Mourad Winter, réalisateur de L'amour c'est surcoté

Benjamin Tranié : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que dit Didier Bourdon. Ça ne toucherait peut-être pas autant de gens, mais ça marcherait. C'est-à-dire que ça serait plus un humour de niche, de gens que ça fait vraiment marrer. Mais ça ne passerait peut-être pas à la télé. Ça, c'est quasi une certitude. Mais en tout cas, je pense qu'il cartonnerait.

Mourad Winter : Les gens sont intelligents et comprennent l’humour. Internet peut amplifier les critiques, mais il faut savoir faire la différence entre une blague mal placée et un vrai message de haine.

Et en matière de comédie romantique, existe-t-il des codes à respecter ?

Mourad Winter : Je pense qu'il y a un moment où on ressent les choses sur le plateau. Pour ma part, c'était ça : j'avais mon découpage, je savais ce que je voulais raconter et comment le faire. Mais parfois, sur le plateau, je changeais tout le processus, car je sentais que la scène évoluait en fonction du film. En réalité, au fur et à mesure du tournage, certaines lignes du scénario, qui étaient presque invisibles au départ, prenaient une place beaucoup plus importante. Par exemple, le rôle d'Isma était moins marqué dans le scénario. Dans le film il est devenu un élément central, qui prend énormément de place et devient même le sujet principal à un moment donné. Donc, oui, je m'adapte beaucoup au film, au tournage. C'est quelque chose qui évolue avec lui. Et puis, c'est quelque chose que j'ai toujours aimé, depuis mon enfance, les comédies romantiques me plaisent particulièrement.

Il y a une pression à faire une comédie romantique ? Parce que les maîtres du genre sont les Américains et les Anglais. Il y a quand même une tripotée de chefs-d’œuvre. Se dit-on "Qu'est-ce que je vais apporter de plus" ?

Mourad Winter : Je pense qu’en réalité, personne n’apporte quelque chose de neuf. Tout a déjà été raconté. L’enjeu est de savoir comment on va le raconter. C’est juste ça. Je ne me mets pas de pression, sinon on ne fait rien. Vraiment, je ne me pose pas ce genre de questions. J’ai mes rêves, des films que j’adore et qui m’inspirent.

Quel est votre film de comédie romantique préféré ?

Mourad Winter : Moi, j'aime beaucoup Coup de foudre à Notting Hill.

Paul, c’est un peu le Spike du film, non ?

Mourad Winter : (rires) Bien sûr, bien sûr. Titanic aussi. Pour moi, c'est une comédie romantique. Franchement, le Titanic en lui-même, je m’en fiche un peu. Ce qui m’intéresse, ce sont les deux personnages. Et c’est là que tu te rends compte que, même avec toute la puissance du Titanic, c’est la comédie romantique qui prime. C’est pour ça que les comédies romantiques me touchent vraiment. Et puis, les histoires d’amour, je pense que c’est le sujet le plus important dans la vie de quelqu’un. On vit peut-être deux, trois, quatre, au maximum, grands amours. Mais c’est ça qui nous guide, qui devient un peu la ligne directrice de nos vies. Pour moi, il y a vraiment cette dimension. J’ai adoré Punch Drunk Love. Récemment, j’ai bien aimé Licorice Pizza. Et j’aime beaucoup Paul Thomas Anderson, c’est un réalisateur que j’apprécie énormément..

Benjamin Tranié : Ce qui marche vraiment, c'est quand tu sors du film et que tu as envie de dire à ceux que tu aimes, amis, famille ou partenaires, que tu les aimes. Je me souviens, la première fois qu'on a vu le film, je suis sorti, j'ai appelé ma copine direct, envoyé des messages à mes potes sur WhatsApp. À 23h30, je leur ai dit : "Je vous aime, les gars." C’est là que tu sais que c’est réussi, une comédie romantique : quand  tu ressors avec plein d’amour et l'envie de le partager. C'est ce que j'ai vraiment aimé.

Tu sais qu'une comédie romantique est réussie quand tu ressors avec plein d’amour et l'envie de le partager.

Benjamin Tranié, incarne le rôle de Paul

Laura Felpin.

Quelle actrice est Laura Felpin ?

Benjamin Tranié : Un égo de malade ! On profite, elle n'est pas là. (rires)

Mourad Winter : Franchement, j'ai qu'une envie, c'est de retravailler avec elle. Elle apporte une discipline et une justesse incroyables. C’est ça qui m'a frappé quand j'ai vu son spectacle, une justesse de jeu qu'elle répète à l'infini. J'ai vu cinq fois son spectacle avant de lui proposer le rôle. Sur le plateau, tu ressens cette même justesse. Tu lui demandes une scène, elle la joue parfaitement dès la première prise. Nous, on avait un peu ce souci avec Hakim, qui aime improviser et se faire plaisir. Une scène, il peut la refaire 5-6 fois. Mais avec Laura, la première est souvent la bonne. Et en tant que réalisateur, j'étais parfois obligé de faire semblant de vouloir d'autres prises pour ne pas froisser l'ego d'Hakim (rires). Mais Laura, c’est une vraie Ferrari. Tu lui demandes une scène, des nuances ou des intentions de jeu, elle les capte instantanément. Pour moi, c’est une actrice complète qui fait gagner un temps précieux au réalisateur.

C’est une grosse bosseuse ?

Mourad Winter : Oui, totalement. Elle a vraiment été présente dès le début de la préparation. Elle venait juste de recevoir un Molière et étais un peu chamboulée, mais elle a toujours été là, impliquée. C’est une véritable bosseuse. Dès qu’elle adhère à un projet, comme c’était le cas avec le nôtre, elle s’investit à fond. C’est presque passionnel, elle veut toujours apporter un plus, trouver la réplique parfaite. Travailler avec elle, c’est un vrai plaisir. Hakim, lui aussi, était génial. Ils se complétaient parfaitement. Laura apportait cette justesse dans son jeu, ce qui poussait Hakim à faire de même. Mais en même temps, Hakim avait sa propre manière de s’exprimer, une sorte de douceur dans son approche. On a vraiment eu de la chance d’avoir ces deux comédiens ensemble.

Après, il n'y a pas de règles. Les comédiens ont chacun leur méthode...

Mourad Winter : J'aime souvent faire des comparaisons avec le football. C'est un peu comme dans un vestiaire. Peu importe que tu aies recruté les meilleurs joueurs du monde, la question de la cohabitation reste essentielle, de savoir comment ça va se passer. Et au bout de la saison, tu te rends compte que ça n'a pas fonctionné, même avec les meilleurs. Parfois, il ne faut pas chercher les grandes stars. Non, ce qui compte, c'est de choisir des comédiens qui vont réussir à former une vraie équipe, sans chercher à prendre toute la lumière. Nous, on a eu cette chance : tout le monde est venu jouer sa partition pour le film. Quand ça se passe vraiment comme ça, c’est génial. Il n'y a pas de guerre d'égo. Le tournage a été une expérience formidable.

L'Amour c'est surcoté de Mourad Winter  d'après son roman.
avec Hakim Jemili, Laura Felpin et Benjamin Tranié

Sortie le 23 avril 2025
Durée : 1h38

Entretien réalisé par Grégory Marouzé à Lille le 1er avril 2025.
Retranscription de l'entretien par Camille Baton.

Affiche, photos et film-annonce : Studio Canal
Remerciements UGC Ciné Cité Lille.

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