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Ibrahim Maalouf au Théâtre Sébastopol

C’est dans l’impatience des foules, parfois, que se joue d’avance le succès d’un concert. Un public fébrile et furtif se presse devant le Sébastopol, en ce lundi du Tourcoing Jazz Festival, comme si le concert pouvait commencer plus tôt grâce à cet empressement. Il faut dire qu’Ibrahim le grand est partout et qu’on a rarement vu, voire jamais, un triomphe romain de cette ampleur pour un musicien qu’on n’ose plus qualifier. To be or not to Jazz titrait Jazz magazine, ce n’est pas du rock, c’est de la musique instrumentale, et de très haute volée. De très très haute volée.

L’arrivée sur scène est emblématique, Ibrahim Maalouf est sur le côté, avec les trois trompettistes qui dialogueront souvent avec lui. Une manière unique de se placer et de dire une bonne fois les choses : On est un groupe, chacun aura sa place et son solo, et son petit sketch, très écrit finalement, dans la seconde partie. Ce n’est pas toujours très utile quand on a ce talent fou et la touche master class peut agacer mais difficile de faire la fine bouche parce qu’un musicien de cette classe fait la part belle à ses comparses.

Les 45 premières minutes sont étourdissantes, hallucinogènes, on ne sait pas où donner de la tête devant cette folle chevauchée, bardée de trouvailles fantastiques, de sons cuivrés d’une maîtrise inouïe. Du tempo et de toutes les variations des baguettes de braise de Stéphane Galland, aux inventions harmoniques, on n’a pas le temps de compter les exploits. C’est fort, dans tous les sens du terme, un trio rock, au fond et quatre trompettes, le vaisseau vole très vite et on sent que le rythme n’est pas tenable, tant pour les spectateurs que pour les musiciens.

Ibrahim Maalouf n’a toujours pas dit un mot avant de s’avancer avec François Delporte, seul, pour présenter le sublime Beyrouth, le morceau qui retrace une promenade d’enfant dans la ville dévastée. Il use de la blague qui fait mouche à chaque concert : on lui a dit qu’il parlait trop sur scène, enfin, des gens bien intentionnés, enfin, sa mère. Effet garanti. La connexion est établie, tout le monde se détend après la tension inouïe du premier tiers temps.

Beyrouth se termine par une citation terriblement violente de Led Zeppelin mais on repart en chanson, en mélodies tendres, en mini-sketches programmés. Le public est conquis, Ibé sait très exactement comment le dompter, l’amener où il veut, alterner plages tendues et moments de complicité dosés. Le public termine debout, chavire et chante. Triple standing ovation. 

Jazz ou pas Jazz, peu importe. Pas de chapelle, comme Michel Portal avec lequel il a joué et qui déteste les puristes grincheux.  Musique de film ou du monde, concept album avec Oxmo Puccino, professeur d’improvisation, Ibrahim Maalouf fait sauter toutes les barrières mais depuis Jéricho, on sait que pour faire tomber les murs, rien ne vaut les trompettes.

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