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Festival Radar – Archie Bronson, Part Chimp, Nurses, Damien Jurado, Symphonie Electro-ménagère

Ah septembre! Enfin, la fin des vacances! On en fredonnerait le vieux tube funky d'Earth, Wind & Fire de joie. Les gosses retournent à l'école, les étudiants reprennent peu à peu leurs droits sur les trottoirs de Lille, les gens font la tronche de retourner au bureau mais une nouvelle saison musicale s'annonce sur Lille. Et c'est bien là l'essentiel! Une saison qui s'annonce riche à la vue des nombreuses dates qui se préparent dans la région. Et, c'est devenu une tradition avec cette 6e édition, débute avec le Festival Radar organisé par Le Grand Mix de Tourcoing qui, chaque année, sélectionne une douzaine de groupes, pas encore connus du grand public, mais connaissant un succès critique grandissant et se forgeant une solide réputation scénique. Une ouverture de saison jouant la carte de la diversité musicale et de la curiosité (Black Mountain, PVT, Caribou,..).

 

Alors que la salle commence seulement à se remplir, en ce deuxième soir de festival, un drôle de bonhomme s'installe seul sur une chaise posée sur la scène, guitare acoustique à la main. Des allures de nounours, pas de réel charisme, une timidité à la limite de l'autisme, pas un regard au public... Mais il suffit de quelques notes et quelques mots susurrés pour que l'on s'aperçoive que Damien Jurado est un trésor caché de la musique américaine actuelle. Un artiste productif (plus d'une dizaine d'albums), qui a démarré sa carrière chez le mythique label de Seattle Sub Pop (il arbore d'ailleurs une superbe chemise à carreaux, digne de la grande époque du Grunge), bénéficiant d'une incroyable reconnaissance critique mais au succès confidentiel. Un héros oublié de l'Américana, trop discret et écorché pour pouvoir s'imposer. Ses chansons qui n'ont ni début, ni fin, aux limites floues comme un souvenir, ont une fragilité touchante. Sans artifices inutiles, en toute simplicité, le chanteur nous livre de subtiles vignettes mélancoliques, que l'on devine autobiographiques, parlant de regrets, de nostalgie, d'amours déchus. Le songwriting est simple, élégant. On se met à penser au Springsteen de Nebraska ou de The Ghost Of Tom Joad, à l'esprit d'Elliot Smith ou encore à la fausse simplicité des chansons de Eels. La voix magnifique de Damien Jurado surprend tant elle se montre sensible, chargée à la fois d'espoir et de désenchantement, et impose le silence. Une prestation à fleur de peau, émouvante, à l'image de cet artiste, qui ne pouvant vivre encore de sa musique, continue, dans le civil, d'exercer en tant qu'assistant d'éducation.

Changement de registre avec le groupe suivant, les américains de Nurses. La musique de ce groupe, bien que extrêmement sympathique et à l'aise sur scène, laisse particulièrement sceptique. Les expérimentations tentant de mélanger world, pop music, rock barré, chants pastoraux, bidouillages électroniques... ont déjà été entendues ailleurs et les membres de Nurses ont bien du mal à imprégner leur musique d'une réelle personnalité, d'une identité qui lui est propre. Certaines chansons réussissent à s'imposer auprès du public mais l'ensemble reste trop inégal. Leur répertoire semble trop calqué sur le cahier des charges d'un certain indie-rock américain (Animal Collective, Local Natives, Fleet Foxes, Why...) pour convaincre. Ce qui, chez d'autres, est synonyme d'originalité n'est ici qu'une marque de fabrique reprise à son compte. Nurses préfigure, certainement, les nombreux suiveurs qui s'engouffreront dans la brèche ouverte par les groupes cités auparavant.

La petite pause qui s'impose permet de découvrir, à l'arrière de la salle, une terrasse joliment aménagée avec moquette, bar extérieur, lieux de détente et de convivialité. Et aussi, la présence d'un curieux chapiteau où de doux illuminés, entre deux sets, offrent une performance musicale amusante: La Symphonie Électro-Ménagère. Une installation où l'expression « musique de chambre » prend un sens concret, ces Géo Trouvetout créant de la musique avec des éléments domestiques du quotidien. La « musique de salle de bain » et la « musique de cuisine », dans une joyeuse cacophonie expérimentale, seront aussi mises à l'honneur.

L'assistance présente devant la scène quand les musiciens d'Archie Bronson Outfit font leur apparition prouve que les britanniques sont la tête d'affiche de la soirée, la principale attraction. Habillés de boubous multicolores, ils surprennent et font sourire. « Le dimanche à Bamako » entend-on chantonné dans le fond de la salle. Néanmoins si le chant se fait chamanique et les riffs de guitare répétitifs invitent à la transe, ce n'est pas du côté de l'Afrique qu'il faut chercher l'inspiration d'Archie Bronson Outfit mais bien du côté du Sud des Etats-Unis, là où se joue la musique du Diable, le Blues. Mais le Blues joué par les anglais n'a plus rien de traditionnel. Le Delta du Mississippi a été souillé par une marée noire, la modernité a métamorphosé le mode de vie nonchalant des états du Sud et le Diable semble avoir vendu son âme à plus démoniaque que lui. Le blues poisseux originel des marécages se teinte ainsi d'électronisme ambiant, la tradition laisse place à l'expérimentation sonique, le slide supplanté par le larsen et la réverbération. Le venin distillé n'en est que plus dangereux. Dans un déluge de décibels, les compositions psychédéliques du groupe agissent comme de la mescaline: la chanson « Coconut » qui ouvre le dernier opus en date, sublimée par une basse hypnotisante, se révèle ainsi encore plus addictive que sur album, les lignes de guitare de « Hoola », « Cherry Lips », « Kink » ou encore « Dead Funny » sont autant d'invitations aux voyages immobiles. Peu communicatifs, les musiciens d'Archie Bronson Outfit tétanisent le public par la simple force évocatrice de leur morceaux et la voix envoutante et messianique de Sam Windett. Une sacrée expérience.

Jouant devant un public moins dense, les anglais de Part Chimp divisent. Adoubés par le groupe Mogwai qui les a signés sur son label, ils semblent s'être assignée une mission: détruire ce qui reste d'audition aux téméraires et curieux venus les écouter. Les amplis réglés à fond, les niveaux dans un rouge sanglant, Part Chimp déverse une musique que certains n'hésiteront pas à intellectualiser et à définir à grands renforts de néologismes (Post-Noise, Post-Math-Rock, …). Un chaos musical où les deux guitares, la basse et la batterie sont utilisées comme des armes de destruction massive et où une voix, en retrait, celle de Tim Cedar (six-cordiste en chef) tente de s'extirper, de survivre. Ça défouraille sévère, c'est hautement burné et cela plonge les plus courageux (et aussi les plus imbibés!) du devant de scène dans un état quasi-orgasmique. Mais on est en droit également de penser que cela constitue beaucoup de bruit pour rien. Qu'à l'image de Dub Trio (dans un style quelque peu différent), cela reste relativement stérile et ne joue que sur le sensationnel des décibels. Victor Hugo, qui était loin d'être un idiot, déclara: « La Musique, c'est du bruit qui pense ». Chez Part Chimp, le côté bruitiste est bien présent mais la part de réflexion semble avoir été ignorée.

Une soirée riche en émotions diverses donc, qui aura su faire un grand écart improbable entre l'univers bucolique de Damien Jurado et les déflagrations soniques des anglais de Part Chimp, qui aura émerveillé autant qu'interrogé... Y a pas à dire, cette saison musicale 2010-2011 s'annonce sous de bons augures.

 

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