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Israel Vibration + Broussaï à l’Aéronef

Diplomate et taquin, John Lennon, à qui l'on avait demandé lors de l'un de ses passages en France à la fin des années 70 ce qu'il pensait du rock hexagonal, eut cette géniale réponse : « Le Rock Français, c'est un peu comme le vin anglais... ». Une répartie cinglante qui, avec humour, résumait parfaitement le gouffre qui sépare alors (toujours diront les mauvaises langues) les deux scènes.

Ayant explosé au milieu des années 90, tant scéniquement qu'économiquement, avec des artistes tels que Pierpoljak, K2R Riddim, Mr Gang, Tryo ou encore Sinsémilia, le Reggae Français s'attire chez les puristes du genre, biberonnés au Rocksteady originel et aux productions Studio One, Channel One ou Treasure Isle, le même genre de sarcasme. Car, avouons-le, hormis les deux albums historiques (il y a déjà plus de 30 ans) distillés par Gainsbourg en Jamaïque avec les musiciens de Peter Tosh et les choristes de Bob Marley, le Reggae Français n'est pas plus que de la ganja locale qui ne tournera jamais comme de la vraie.

Malgré leur énergie scénique et leur apparente honnêteté artistique, les Broussaï, originaires de Macon, ne sont malheureusement pas près d'inverser le cours des volutes de fumées. Surfant sur une vague déjà bien trop fréquentée avec des lyrics variétoches maintes fois entendus, à la rime facile et aux thèmes éculés, le groupe ne réussit pas à se différencier de ses camarades de jeu cités plus haut.

L'absence de prise de risques dans la construction des morceaux, que ce soit au niveau du tempo ou de la rythmique, accentue ainsi cette désagréable impression d'uniformisation du son qui règne dans le genre en France. Surnage toutefois un guitariste plutôt doué, le dénommé Jo Cocco, au jeu riche et aux solos dynamiques qui mériterait bien qu'on lui laisse un peu plus de leste dans tant de caricaturale torpeur.

40 ans de carrière. Une palanquée d'enregistrements mythiques ayant traversé les décennies sans prendre une ride. Une influence toujours aussi prégnante. Et si le trio culte d'harmonies vocales jamaïcaines n'est plus que duo depuis le départ d'Apple Gabriel, il y a une vingtaine d'années, c'est devant une foule compacte et conquise d'avance qu'Israel Vibration vient célébrer la sortie de son très chouette 18e album studio ('Play It Real') à L'Aéronef. Une masse multigénérationnelle où, naturellement, au milieu des jeunes pousses viennent se greffer un nombre conséquent de dreads grisonnantes.

Après une mise en place un peu longuette des musiciens, liée à des problèmes techniques, Skelly Spence et Wiss Bulgin font enfin leur apparition sur scène. Sous un fervent tonnerre d'applaudissements respectueux. Perpétuant la tradition du Reggae Roots, ces deux pionniers assurent chacun leur tour le lead vocal. Enchaînent les nouvelles chansons, aux sonorités contemporaines, à des titres issus des albums légendaires du groupe ('The Same Song', 'Unconquered People', 'Strenght Of My Life'). Démontrent avec brio que leurs voix n'ont rien perdu de leur caractère, possèdent toujours cette patte unique et instantanément reconnaissable. Envoutante et délicate pour Wiss Bulgin. Profonde et audacieuse pour Skelly Spence. Fluctuant du chaud voilé au frais le plus léger, elles font merveille, jouent de leur contraste pour se couler dans les mélodies les plus suaves ou les riddims plus endiablés. Caractérisant ainsi au mieux la singularité vocale de cette formation.

Le charme Israel Vibration opère sur les spectateurs. Le public Reggae étant l'un des plus fidèles et des plus réceptifs qui soit, son engouement ne faiblira jamais. Le moindre pas de danse exécuté par les deux chanteurs qui, rappelons-le, sont depuis l'enfance atteints de poliomyélite et affublés de béquilles, est ainsi chaudement salué. Il se distille tout au long de la prestation, une atmosphère chaleureuse et conviviale, bon enfant et festive. Le « One Love » dans toute sa splendeur. Avec une constellation de sourires et de corps chaloupants, se languissant de la moindre vibe.

Mais si la performance vocale est excellente et l'ambiance des plus sympathiques, le concert ne laissera pas pour autant un souvenir marquant, musicalement parlant. En tout cas, pas aussi vivace que celui laissé par des artistes tels que Winston McAnuff ou Clinton Fearon pour citer d'autres vétérans du genre. La faute à un son trop lissé. Une basse trop peu présente alors qu'elle est l'apport majeur du Reggae, son ossature. Les passages Dub, quand les instrumentations ne se limitent qu'au squelette principal des morceaux, le couple basse-batterie, créant ainsi une atmosphère lourde et hypnotique, se font trop rares aux yeux des puristes. L'absence de cuivres (pourtant très présents sur les albums) limite clairement la portée du concert également. Ne permettant pas d'atteindre ni d''effleurer la magie présente sur les albums historique du groupe. Une déception exacerbée par l'omniprésence d'un synthétiseur caoutchouteux, aux sonorités désuètes et cheap devant lequel il est bien difficile de ne pas faire la grimace.

Des défaut malheureusement récurrents dans bon nombre de prestations de vieilles gloires du Reggae. Qui contrairement à celles de la Soul ont bien du mal à reproduire ou à transfigurer le son d'antan. Dommage. Le genre mériterait pourtant bien d'avoir des accompagnateurs tels que les Dap Kings ou le Menahan Street Band pour le relifter...

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