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Corde – Douceur de Lune : une échappée poétique entre cordes et machines

Corde – Douceur de Lune : une échappée poétique entre cordes et machines

Corde Douceur de Lune

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Le trio Corde revient avec Douceur de Lune, un nouveau morceau accompagné d’un clip aussi onirique que troublant. Pensé comme une parenthèse dans leur discographie, ce titre propose une traversée sonore et visuelle entre envolées de violon et textures électroniques glitchées. Le groupe poursuit sa recherche singulière entre post-rock, ambient et narration poétique. À la croisée des rêves et des menaces contemporaines, Douceur de Lune évoque en creux la perte, la transformation, et un monde en mutation. Un pas de côté assumé, pour mieux tisser un lien sensible entre musique, image et conscience du présent. LillelaNuit a posé quelques questions au groupe pour mieux comprendre leur univers, et leur réponse est une vraie pépite !

LillelaNuit : Douceur de Lune semble marquer une évolution dans votre univers sonore. Comment
est né ce morceau ?

Nîm : Ce morceau est né d'une improvisation au piano jouée de nuit, dans le silence et dans le relâchement de tout ce que j'avais accumulé ce jour-là. Il y avait encore l'odeur que les plantes dégagent une fois le soleil couché et la lune était gibbeuse. J'y ai ensuite ajouté mon narratif électronique, tout en restant dans l'idée de poser un ciel autour du phrasé central, à ce moment-là du piano, pour contraster son timbre. Mes synthés sont ma palette pour détourer les personnages principaux. Est ensuite venu Maxime qui a fait dialoguer son violon, puis ses violons, avec le piano. Et voilà le morceau terminé !

Le morceau semble chargé de symboles : perte, transformation, fin de cycle… Est-ce que ces thèmes sont liés à des préoccupations personnelles ou sociétales ?

Nîm : Je ne vais pas cacher que j'ai beaucoup de mal à accepter la direction globale du monde, l'annihilation de la représentativité française dans le gouvernement à l'issu de la dissolution, l'endurcissement des Français de manière générale, la violence latente. Le titre contient très précisément cette tristesse et m'a servi, par sa douceur, à inonder et laver toute cette merde (je viens de passer 5 minutes à chercher un autre mot mais il ne faut pas tourner autour du pot). J'avais également à l'esprit d'éteindre cette partie de moi qui s'accroche à mon passé en le ressassant, cette partie de moi qui me maintient dans le réactionnaire à l'encontre même de ma propre volonté. Il y a quelque chose dans la mémoire qui transforme le passé pour le conformer au présent et à sa morale, et ça me paraît terriblement mauvais. J'ai l'impression de le voir à l’œuvre tous les jours, en politique, dans le quotidien dès qu'il s'agit de « tradition ». Un conservatisme en fait. Il y a certainement un sens biologique à tout ça, notamment dans l'anticipation des dangers, en cherchant à faire en sorte que tout reste plus ou moins « pareil », de peur de glisser vers de mauvais temps. Mais ça empêche de voir la vérité brute, ça empêche d'analyser librement les transformations que l'on vit. Ça filtre, mais mal, pour essayer de figer au mieux ce qui nous entoure. Par peur. Et quand on applique cette immobilité dans une période de l'humanité qui dévore les ressources, c'est une ruine.

Qu’avez-vous voulu explorer ou exprimer à travers le clip qui l’accompagne ?

Maxime : Quand on s’échange les pistes, on se dit très peu de choses. Chacun s’approprie la proposition de l’autre, en fait sa propre lecture. C’est seulement après coup que Nîm m’a confié ses intentions, ses sources de colère face à un monde abîmé. J’ai voulu, de mon côté, proposer une métaphore. Et le propre d’une métaphore, c’est justement de laisser de l’espace à l’interprétation. On ne veut pas être dogmatiques. On propose, simplement. Dans le clip, on peut y lire la coexistence de deux mondes : l’un qui manipule, qui maîtrise ; l’autre qui protège ce qu’il y a de plus précieux — la nature. Et au centre, cette image qui serre le cœur : la nature brûle.

Votre musique mêle violon et électronique de façon très singulière. Comment travaillez-vous cette fusion en studio ?

Nîm : Nous n'avons pas encore de processus dans lequel nous pourrions créer en faisant des « bœufs ». Du coup, les parties de chacun viennent s'imbriquer les unes avec les autres, en fonction de qui livre l'« étincelle » en premier. Pour ce qui est des parties électroniques, je dépose leurs matières sur la toile sonore sans trop réfléchir et plongé dans un esprit de voyageur cherchant la découverte. Ça fait maintenant très longtemps que je peins électroniquement en musique, et au fil des années, j'ai appris à me passer de toutes les références techniques (analogique contre numérique, synthé à modulation de fréquence, à distorsion de phase, à modélisation physique, soustractif, etc.) pour ne plus me concentrer que sur le réglage d'épaisseur, de granulométrie, de couleur principale, d'ombrage, de transitoire, de localisation spatiale, de contraste timbral et d'interaction avec les autres objets sonores, dans l'espoir de faire jaillir quelque chose que je n'ai pas entendu chez moi jusque-là. Avec ma mauvaise mémoire, j'ai souvent peur de m'extasier sur quelque chose que j'ai déjà fait x fois, mais j'assume, ahah !

Dans le clip, on peut y lire la coexistence de deux mondes : l’un qui manipule, qui maîtrise ; l’autre qui protège ce qu’il y a de plus précieux — la nature. Et au centre, cette image qui serre le cœur : la nature brûle.

Corde à propos de Douceur de Lune

Quels sont les artistes ou œuvres qui nourrissent votre démarche actuelle ?

Nîm : Pour le coup, ce sont essentiellement des artistes graphiques d'art brut : Aloïse Corbaz, Madge Gill, Miguel Rodriguez, Alfred Corinne Marié, Augustin Lesage, par exemple. De manière globale, celles et ceux qui cherchent, par une forme de pensée magique, à produire un art graphique qui viendrait guérir le monde comme le ferait un talisman. Et aussi Nigel Godrich sur l'album Tangk de Idles, mais je crois que je lis son matériau sonore avec le prisme de l'art Brut et qu'en vérité j'interprète une volonté qui n'existe pas ni chez lui ni chez Idles.

Maxime : On dit souvent — et ce n’est pas une posture — que Nîm est un peintre sonore. De mon côté, avec toute l’humilité possible, je tente d’être une sorte de narrateur sonore. Je puise plutôt dans mes lectures du moment, souvent historiques ou épiques. Ces récits résonnent avec les musiques instrumentales que j’écoute beaucoup. Ces derniers temps, en plus de Portico Quartet, ce sont Felix Rösch, Sebastian Plano ou Niklas Paschburg qui m’accompagnent. Je n’ai pas de formation classique, mais la musique néo-classique ou le classical ambient me touchent profondément. Par leur universalité. Leur capacité à transmettre des émotions sans mot. C’est peut-être là, dans cette absence de parole, qu’un message politique peut se glisser. Avec Corde, on essaie simplement d’être des passeurs d’émotions.

Le texte et les images n’apportent pas de clé explicite mais ouvrent des lectures possibles. Est-ce un choix volontaire de rester dans le suggéré ?

Nîm : Alors, je dirais que je fonde beaucoup d'espoir sur la liberté... et que de vivre une histoire personnelle au travers de notre musique est un accomplissement pour moi.

Que souhaitez-vous que le public ressente ou retienne après avoir vu et écouté Douceur de Lune ?

Nîm : J'aimerai bien être surpris par leur réaction, j'avoue ! Mais j'aimerai bien savoir aussi si le Petit prince a une chance d'apprivoiser le monde qui s'ouvre à nous...

D’autres morceaux à venir ? Un album en préparation ?

Nîm : Un album !!! Je suis toujours excité comme une puce dès qu'il faut bâtir un album. Pour ma part, il contiendra tous les ingrédients dont j'ai parlé précédemment : de l'Art brut au travers de mon filtre, de nouvelles rencontres synthétiques, des réactions à la violence, du politique, mais aussi de l'écologie, et une palanquée de choses que je suis en train d'oublier. J'ai hâte de le partager !!

Maxime : Je vais spoiler un peu : c’est Nîm qui porte la composition principale de l’album à venir. C’est très stimulant de travailler dans un sens nouveau. Ça bouscule nos habitudes, nos sons, et pour moi, ma façon de jouer. Cette remise à plat m’a donné envie de placer le violon dans une veine plus néo-classique. Comme une manière d’ouvrir un dialogue différent avec l’Art brut de Nîm.

Nîm : Et je dois dire que les gars ont proposé un langage étonnant pour accomplir ces compositions, et même détonnant avec le travail de Steve qui montre une facette que je n'avais pas connu de lui. On se connaît depuis à peu près 20 ans maintenant, et sur ce disque il a fait un travail de dingue, tant pour la pulse que pour les timbres. Il invente une batterie nouvelle pour chaque proposition, avec ses fûts, ses cymbales, ses grosse caisse et caisse claire, comme un personnage nouveau à chaque épisode. Il est époustouflant. On a encore un peu de travail à réaliser pour pouvoir le livrer, cet album. Douceur de lune ouvre la parenthèse de ce prochain voyage qu'on projette de vous soumettre pour début 2026.

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