Il y a des retours qui réactivent quelque chose d’intime. Mercredi soir, à la Condition Publique de Roubaix, Superbus nous a replongé d’un coup dans nos années lycée : mêmes réflexes, mêmes refrains criés, mais avec une impression neuve - celle d’un groupe qui a beaucoup vécu, beaucoup travaillé, et qui sait encore transformer une salle en un grand dancefloor. 1h50 d’énergie sans temps mort. 24 titres joués. Une scénographie généreuse : le OK KO Tour tient sa promesse.
Un retour attendu de superbus, un public conquis
À 20h30, Jenn Ayache arrive avec le T-shirt rouge Superbus, comme une madeleine de Proust : celui de leur première tournée en 2002. “OK KO” ouvre le bal : noirs profonds, blancs tranchés, rouges éclatants - la palette visuelle de la pochette du nouvel album éponyme. Sur l’écran, une silhouette féminine court, se perd, se cherche dans un labyrinthe : métaphore du chaos évoqué par la chanteuse dans ses interviews : « on a traversé une période désorganisée, mais on a trouvé notre chemin ». “Baby Boom” confirme l’ambition visuelle du show avec des images chocs - guerres, avions, poupées, flashs nucléaires. Le message percute. La setlist alterne rafales et respirations. Pendant “Ça Mousse”, Jenn s’allonge, laisse la foule chanter, premier vrai moment de communion.
« Je les ai vus en 2007, en 2009, puis au Zénith cette année… Là, c’est carré, généreux » me confie Léo. « J’avais des a priori et j’ai pris une claque. Depuis, j’ai 15 ans dans ma tête et j'essaie de faire le plus de dates possibles »
Moments forts avec “Addictions” qui inonde la salle de couleurs néons rose et bleu fluo : ça saute, ça hurle le refrain, ça vit. Puis sur “Apprends-moi”, où l'on distingue des masques portés par des écoliers, des graffitis sur les murs à l'écran : l’ambiance se fait à la fois facétieuse et un peu nostalgique. “All Alone” déploie un coucher de soleil magnifique ; Jenn se découpe en ombre chinoise, c’est simple, c’est beau : seul lien direct avec l'album Sunset, mais parfaitement intégré.
Un enchaînement fluide et une énergie constante
Le groupe enchaîne sans pause inutiles. Les transitions sont millimétrées, les musiciens précis, et le son rend justice à l’hybridation pop-rock qui a toujours fait la signature de Superbus. Les titres d’OK KO gagnent encore en épaisseur sur scène. “Aseptisé” rejoue le motif du labyrinthe, glitché par moments en QR code - symbole d’un monde sous contrôle. La voix de Jenn scande : « On ne veut pas d’un monde aseptisé, on voit bien les failles ! ». L’effet est fort, presque politique. “Paris Paris” offre une ballade cinématographique sur fond d’images noir et blanc évoquant les films des années 50. “Stereo Song” embrase la salle : cassettes, hi-fi, coupures de presse et polaroids défilent sur l'écran - comme un album souvenir qui aurait avalé vingt-cinq ans d’histoire pop-rock. “Tchi-Cum-Bah”, tout premier single (2002), déclenche une euphorie pure. La scène explose en pop-art façon comics, boom en bulles, trames à la Roy Lichtenstein : montée d’adrénaline immédiate.
« J’écoutais Superbus ado, je ne connaissais pas tous les nouveaux morceaux mais j’ai retrouvé l’ambiance d’avant », me raconte Alban. « C’était intergénérationnel, ça dansait jusqu’au bout de la salle. Un vrai bonheur, rien à jeter »
La dernière partie du concert condense l’esprit du groupe : accessible, généreux, fédérateur.
Quatre titres en rappel réactivent les corps, dont “Butterfly” en apothéose - Jenn laisse le public chanter une dernière fois, et tout le monde a le sourire. Le sentiment de fête est total.
verdict
Côté visuels, le groupe soigne sa narration : un vocabulaire très “OK KO” (rouge/noir/blanc), du pop-art, des inserts d’archives, des glitchs et une forte présence d’IA générative. Cela habille remarquablement le show et donne du liant, mais seul petit bémol : ces projections, d'IA, parfois trop présentes, gagneraient à laisser davantage respirer l’univers graphique du groupe.
Le propos “chaos maîtrisé” n'en est pas altéré pour autant. Superbus réactive la nostalgie sans la recycler paresseusement : les nouveaux titres s’imposent déjà très bien en live, et les classiques sont reboostés. Le OK KO Tour réussit ce que promet son titre : embrasser le chaos, le dompter, et en faire une grande fête. Superbus prouve qu’il sait évoluer sans jamais se répéter. D'ailleurs, pour ceux qui n'étaient pas là à Roubaix, ils reviennent le 11 novembre 2026, au Zénith !