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Keziah Jones + Afrikan Boy à l’Aéronef – Ground Zero Festival

Docteur Keziah et Mister Jones. Le chanteur-guitariste d'origine nigérienne est un être complexe, multiple. D'ailleurs, après une absence discographique de 5 ans, il n'est pas anodin de le voir revenir sous le costume d'un super-héros, le Captain Rugged. Car s'il y a bien un aspect que le l'artiste partage avec les personnages de Comics, c'est leur dimension schizophrénique.

Keziah Jones a en effet une double identité. Celle du musicien studio. Qui, depuis plus de 20 ans et six albums, ne déçoit jamais. Son dernier disque, avec son subtil mélange de Soul, de Funk, de Blues et de musiques Africaines, ne déroge pas à la règle. Malheureusement cette facette cohabite avec celle, plus problématique, du musicien live.

Quand il enfile sa cape de showman, Keziah Jones est loin d'être sans failles. Inconstant, inégal, il ne se montre pas toujours à la hauteur de l'amour que peut lui porter le public. Qui l'a vu plusieurs fois sait à quel point le bonhomme est capable du meilleur (avec un M majuscule) comme du pire. Avec des prestations à la fois lamentables et méprisables. Lui faisant coller à la peau l'image d'une personnalité lunatique et capricieuse. Une prima donna prenant de haut son public quand elle ne sent pas reçue avec les honneurs qui lui sont dus.

A quelle sauce allait donc être mangé le public lillois, venu nombreux, à L'Aéronef en ce soir du 10 décembre 2013. Allait-il rencontrer le super-héros? Ou subir le super-zéro?

Pour faire durer le suspens, une petite mise en jambes sympathique avec Afrikan Boy, un rappeur londonien également originaire du Niger que M.I.A. a pris sous sa frêle protection. Un bagout et un charisme certains, une belle aisance scénique, de multiples influences puisant dans l'underground Londonien et les musiques traditionnelles africaines, le M.C. fait passer la pilule d'un Hip Hop qui manque de subtilités lorsqu'il lorgne un peu trop vers le Grime ou le Dance-Hall dans ce qu'ils ont de plus triviaux.

C'est sans la cape multicolore arborée sur la pochette de son dernier album que Keziah Jones fait son apparition, accompagné pour l'occasion de deux musiciens: un bassiste et un batteur prenant place à chaque extrémité de la scène. Pas de bonsoir non plus. Le concert commence de manière un peu trop mécanique et abrupte. Le fan craint une nouvelle douche froide...

Mais, au fil des morceaux, le miracle se produit. Le toucher de guitare singulier de Keziah Jones, sa patte inimitable qui consiste à utiliser sa six-cordes à la fois comme une guitare, une basse et un instrument de percussion fait mouche. Son style rude où les cordes sont très pincées, parfois même slappées, un jeu caractéristique que le musicien a surnommé le Blufunk, agit tel un super-pouvoir. La machine à groove est à plein régime. A travers une set-list impeccable et parfaitement agencée survolant vingt ans de carrière en alternant titres récents ('Afronewave', 'Lunar', 'Nollywood', 'Praise'...) et pièces maitresses plus anciennes ('Beautiful Emilie', 'Million Miles From Home', 'I'm Known', 'Rythm Is Love'...). A noter une magnifique reprise du 'All Along The Watchtower' de Jimi Dylan. Ou Bob Hendrix, on ne sait plus très bien à qui créditer cette chanson.

Le concert est joué de main de maître. De manière sèche et frontale. Sans chichis. Le musicien semble retrouver l'âme qui devait sans doute l'habiter à ses débuts, lorsqu'il jouait de manière anonyme dans le métro parisien. Il fait preuve de virtuosité en évitant l'écueil de la technicité gratuite. Et le duo basse-batterie qui l'accompagne lui offre un renfort rythmique des plus redoutables.

Au-delà de l'aspect purement musical, ce qui fait réellement plaisir, c'est de constater que Keziah Jones vit son concert. Prend de plus en plus de plaisir à être là. Il improvise des pas de danse, prend sympathiquement la pose, parle au public, interagit avec lui, l'incite à faire les choeurs... Il esquisse même quelques mots de français. Un discours, avouons-le, totalement incompréhensible Mais totalement charmant de par l'effort entrepris. Le guitariste joue le jeu. Et c'est très agréable de le voir dans un bon soir.

 Une fois n'est pas coutume en concert, Blufunk is a fact.

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