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Marion Cotillard, Guillaume Canet, Rodolphe Lauga – « Rock’n’Roll »

Marion Cotillard, Guillaume Canet, Rodolphe Lauga – « Rock’n’Roll »

Marion Cotillard, Guillaume Canet, Rodolphe Lauga Rock'n'Roll Style : Comédie Date de l’événement : 15/02/2017

Lille La Nuit a rencontré le duo - à la ville comme à l’écran - de Rock’n’Roll : Marion Cotillard et Guillaume Canet. Rock’n’Roll, comédie très médiatisée, se penche sur les affres de la peopolisation, le statut de l’acteur et de l’artiste. Prétexte à une mise en abyme du milieu du cinéma, Marion Cotillard et Guillaume Canet - entourés d’une pléiade de stars - y jouent leurs propres rôles. Evidemment, tout est faux (ou presque) dans ce cinquième long-métrage signé par le réalisateur de Ne le dis à Personne, Les Petits Mouchoirs et Blood Ties… Interview de Guillaume Canet, Marion Cotillard et du scénariste Rodolphe Lauga par Lille La Nuit.

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Marion, quelle fut votre réaction à la lecture du scénario, avez- vous avez pu y mettre votre patte, êtes-vous intervenue dans l’écriture du projet ?

Marion Cotillard : Non, je ne suis pas intervenue dans l’écriture mais c’est vrai qu’un projet de Guillaume, c’est un projet que je suis dès la Genèse quelque part. Je n’ai jamais vu autant de versions d’un film que sur les films de Guillaume. Généralement on me donne un scénario plus ou moins abouti même si parfois il y a des réécritures, mais c’est vrai que dans les scénarios de Guillaume, j’ai une version « 1 » donc il y a une grande évolution. Le premier film que j’ai lu ne ressemble pas du tout à l’objet final parce que dans les différentes versions de scénario, il y a une recherche, il y a des choses parfois qui vont dans un sens et puis il va se rendre compte que cette direction là n’est pas forcément une bonne direction et il va en prendre une autre. La version 2 ou la version 3 va être très différente de la version 1. Sur le parcours de l’écriture on échange, comme il me demande mon avis je le lui donne.

Il y a plein de niveaux de lecture du thème de l’image en particulier. L’image qu’on renvoie aux autres et que l’autre nous renvoie et nous réimplante dans la tête, la façon dont ça change notre propre image et dont on va essayer de changer sa propre image.

Marion Cotillard

Et que vous-dites vous quand vous découvrez ce projet qui est quand même un peu particulier ?

Marion Cotillard : Au delà du fait que l’on va jouer nos propres personnages, c’est quand même un film atypique de base. Je crois me souvenir que la première fois que j’ai lu le scénario je l’ai vraiment lu comme une histoire en me demandant si elle tenait la route et si c’était quelque chose que l’on pouvait partager de manière universelle ; parce qu’on aborde des thèmes qui sont intéressants, surtout le thème de l’image. C’est une image qu’on a à plusieurs niveaux : l’image qu’on a de soi, qu’on renvoie, qu’on a des autres… Il y a plein de niveaux de lecture du thème de l’image en particulier. L’image qu’on renvoie aux autres et que l’autre nous renvoie et nous réimplante dans la tête, la façon dont ça change notre propre image et dont on va essayer de changer sa propre image. C’est un sujet intéressant, vaste et avec beaucoup de niveaux de lecture. La première fois que je l’ai lu, je l’ai lu comme une histoire détachée de lui et de moi, même si il y a des choses immédiatement qui m’ont fait assez rire. Je m’attendais à lire une comédie et dans ma tête de je m’étais dit « Un film en français où je ne vais pas devoir faire de séances de coaching ! » et je me suis aperçue que si ! (rires) C’était la première chose qui m’a ramenée à moi, mais sinon je le lisais comme… je ne dirais pas comme n’importe quel scénario parce que évidemment je le lis avec un regard différent puisque je sais que c’est une version 1 et que le scénario va beaucoup évoluer.

Guillaume Canet : Son avis m’importe beaucoup. Elle a un regard très pointu sur la lecture des scénarios. Ça m’aide aussi d’avoir ce regard extérieur, d’avoir son avis. Elle était souvent dans le juste sur des détails, des directions, même aussi au montage. Son avis m’importe beaucoup, et souvent, très souvent. D’ailleurs sur les derniers films qu’on a fait ensemble ça m’a beaucoup apporté. Par rapport à son investissement dans le film je trouve ça hallucinant et j’ai encore du mal à croire qu’elle ait accepté de jouer ça et d’aller aussi loin. Je pense que c’est sa force en tant qu’actrice d’oser aller dans des rôles et des univers différents sans se soucier justement de l’image qu’elle va renvoyer. Je trouve que c’est assez couillu pour le coup de sa part.

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D’un certaine façon, il y a aussi une critique puisqu’on parle de cette « ère du selfie » : j’aimerais savoir si vous misez sur justement la fascination qu’ont les gens par rapport aux acteurs qui sont aujourd’hui, au-delà d’être des acteurs, des people ? On les a transformés en people. Maintenant, tous les artistes – et on peut le déplorer- sont devenus des people aussi.

Guillaume Canet : Et ça ne veut plus rien dire ! Aujourd’hui, on vous explique par exemple qu’il y a des personnes très connues parce qu’elles ont je ne sais pas combien de followers. On m’a présenté quelqu’un un jour en me disant « il a 600 000 followers », et je ne savais pas ce que faisait la personne, j’ai dit bonjour mais voilà. Parce qu’il a un blog ou je ne sais quoi, il a 600 000 followers, il a des crédits, comme un truc qu’on met dans une machine et qui nous dit « voilà, vous avez 600 000 crédits ». Après vous pouvez avoir l’envie d’y participer ou pas. C’est à dire que soit vous pouvez faire le choix de ne pas rentrer dans le principe des réseaux sociaux et de vous en détacher totalement, de ne pas rentrer dans ce système de people, soit vous pouvez le faire parce que ça vous amuse, parce que ça vous sert. Moi par exemple, en ce moment, je suis beaucoup plus sur les réseaux sociaux que je ne l’ai été avant parce que je suis dans une période où je partage des choses, et franchement c’est un réel plaisir pour moi d’aller partager des choses avec les gens, de leur montrer des extraits du film, de donner la bande annonce en avant-première, de montrer une photo en rapport avec le film qui va me faire marrer… Évidemment c’est de la promotion. Aujourd’hui tout le monde fait ça. Est-ce qu’on fait la promotion de soi-même ou est-ce qu’on fait la promotion de quelque chose que l’on fait dans son travail, d’une création ? Forcément, on passe par cette peopolisation.

Et vous, puisque les personnages que vous interprétez sont vous (même si on a bien compris que c’est de la fiction) est-ce que vous misez d’une certaine façon sur cette fascination qu’ont en ce moment les gens pour la peopolisation ?

Guillaume Canet : Non, je ne mise sur rien du tout.

Marion Cotillard : Je pense qu’un artiste, un cinéaste, c’est quelqu’un qui raconte sa vision du monde. Forcément les sujets qui résonnent dans notre époque sont des choses inspirantes. Sans « miser », parce que c’est un terme qui peut prêter à confusion sur le jugement qu’on peut avoir sur le procédé [de création], sans miser sur la fascination que les gens ont pour la peopolisation aujourd’hui, c’est inspirant. Tout ce monde de l’image, cette fascination du vide intergalactique qui nous entoure créativement parlant - parce qu’il y aussi une différence entre peopolisation et réseaux sociaux, même s'ils sont associés - mais il y a une peopolisation politique, une manière d’essayer de se rapprocher des gens qui a juste pris le mauvais chemin et qui a maintenant une dimension un peu vulgaire. Je pense que Guillaume a été inspiré par un phénomène de notre époque, sans se dire « je vais miser sur ce sujet parce que c’est vendeur », parce que aujourd’hui c’est vrai qu’il y a une certaine fascination. La télé-réalité, l’espèce de déballage sur les réseaux sociaux… C’est assez fascinant quelque part, ça raconte quelque chose de notre société.

Rodolphe Lauga (co-scénariste du film) : C’était un prétexte tout trouvé à une forme de comédie. Au montage Guillaume a enlevé le moment où il fait un instagram. Au début on s’en était servi sans que ce soit un but en soi. Comme ça fait partie de nos vies, fatalement ça fait partie du film puisqu’on parle de la vraie vie, même si ça reste une fiction. C’était en revanche un vrai outil de comédie parce qu’il s’en servait très mal. Il ne maîtrisait absolument pas ce qu’il faisait avec. Quand ce type switch et se dit « Je vais devenir quelqu’un d’autre, j’en ai marre, je vais devenir un mec cool ! » à partir du moment où il commençait à se servir de cet outil ça donnait une notion de la dimension irréversible parfois qu’il pouvait avoir. Et le côté à la fois fascinant, à la fois dangereux, à la fois nécessaire, à la fois très utile par certains moments, mais surtout un outil que lui ne maîtrisait absolument pas parce qu’on le présentait comme quelqu’un d’archi-ringard, qui s’était toujours refusé à utiliser cet outil.

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Guillaume Canet : Dans le monde dans lequel on vit aujourd’hui, la part de fantasme que peuvent avoir les spectateurs par rapport à des acteurs, leurs créations, leur travail, s’est complètement annulée. Aujourd’hui il y a des paparazzis partout. Quand vous étiez un peu connus avant il pouvait y avoir le plaisir de voir un acteur et de dire « Tiens j’ai mon appareil photo, j’ai pris une photo c’est super ! ». Maintenant n’importe quelle personne a une photo de moi dans la rue ou en train de parler dans un bar… on ne peut passer nulle part sans « Allez on fait une photo ! Oh je savais que tu était un connard ! ». C’est quelque chose qui est complètement rentré dans les mœurs. Il y a quelques années on pouvait encore avoir, et ça m’est arrivé, un mec qui escalade mon portail pour rentrer le jour de la naissance de mon fils, et on est dans l’invasion des journaux people. C’est quelque chose qu’on pouvait maîtriser un peu par une droite de temps en temps. Maintenant, c’est un truc contre lequel on ne peut pas lutter. Les gens préfèrent prendre une photo avec vous dans la rue plutôt que de vous parler. Ça m’est arrivé plein de fois que des gens viennent et me disent « On fait un selfie ? » et puis ils s’en vont. Il n’y a même pas de « bonjour, au revoir, j’ai vu un film que vous avez fait ». Il n’y a plus d’échange sur la création elle-même. C’était ça ce qui m’intéressait dans ce que vous disiez sur la peopolisation. C’est plutôt le côté objet, ce que l’image de quelqu’un va apporter à leur image à eux. On n’est plus du tout dans un truc d’art.

J’aimerais que les gens portent un intérêt à l’avenir, à tout ce que je vais pouvoir faire et non pas forcément à quand je bouffe et qu’un mec dans un restaurant va prendre une photo parce que ça va l’amuser...

Guillaume Canet

Du coup le cinéma et les acteurs font encore rêver ?

Guillaume Canet : C’est toute la question que je me pose et qu’on se pose en faisant un film comme ça. Qu’est-ce qui est intéressant ? Est-ce que c’est intéressant de voir ce qu’ils sont capables d’interpréter et de jouer, ou est-ce que c’est intéressant d’aller voir la manière dont ils pètent ? C’est ça aussi ce qui est, pour moi, intéressant. J’aimerais que les gens portent un intérêt à l’avenir, à tout ce que je vais pouvoir faire et non pas forcément à quand je bouffe et qu’un mec dans un restaurant va prendre une photo parce que ça va l’amuser. Après je ne m’en plains pas, ça fait partie de notre vie, ça fait partie de notre monde… mais je pose la question de savoir jusqu’où ça va aller puisque les people eux-même jouent le jeu et montrent tout le temps leur quotidien.

Synopsis : Guillaume Canet, 43 ans, est épanoui dans sa vie, il a tout pour être heureux… Sur un tournage, une jolie comédienne de 20 ans va le stopper net dans son élan, en lui apprenant qu’il n’est pas très « Rock », qu’il ne l’a d’ailleurs jamais vraiment été, et pour l’achever, qu’il a beaucoup chuté dans la «liste» des acteurs qu’on aimerait bien se taper… Sa vie de famille avec Marion, son fils, sa maison de campagne, ses chevaux, lui donnent une image ringarde et plus vraiment sexy… Guillaume a compris qu’il y a urgence à tout changer. Et il va aller loin, très loin, sous le regard médusé et impuissant de son entourage.

Rock’n’Roll un film de Guillaume Canet
Scénario Guillaume Canet Philippe Lefebvre, Rodolphe Lauga
Avec Guillaume Canet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Fanny Ardant, Philippe Lefebvre, Yvan Attal, Camille Rowe

Durée 2h03
Sortie le 15 février 2017

Affiche, photos, film-annonce © Pathé Distribution

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