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Lexicon + Janski Beeeats à la Péniche – Ground Zero

On ne dira jamais assez de bien, en ces lignes, de La Péniche. Cette salle, anciennement un café-théâtre, qui est devenue un lieu de concerts à part entière et dont la programmation pointue, exigeante, ambitieuse tangue sur les flots de l'électro underground mais qui deviendra grande (Anoraak, Chapelier Fou...), permet de découvrir les espoirs Rock de demain (Montgomery, Mi Ami, The Hundred In The Hands...) et fait la part belle à un Hip Hop de qualité loin de tous stéréotypes (Brother Ali, Themselves, A State Of Mind...). Une petite salle humaine accueillant des artistes au talent trop grand pour leur public trop restreint (aaarrrgghhhh, Frédéric Mitterand sort de ce corps!!!). En ce soir du 5 novembre 2010, comme au bon vieux temps des cinémas de quartier, c'est à un double programme que nous convie cette embarcation pour des univers musicaux parallèles avec la présence du Tourangeau Janski Beeeats (electro) et des américains récemment exilés à Paris de Lexicon (Hip Hop ovniesque).

Alors que la salle commence à bien se remplir, Janski Beeeats, le visage caché par un masque rappelant à la fois Venom, la Némésis de Spiderman, et un Critters (petite bestiole extra-terrestre aperçue dans des films de série B des années 80 surfant sur le succès des Gremlins), s'empare de la scène et plonge violemment l'auditoire dans son univers apocalypto-mutant prenant place en 2980, date à laquelle une catastrophe écologique liée à une expérience sur les hydrocarbures a condamné tout un continent à la quarantaine et où Janski, le visage défiguré par cette pollution, décide d'en réchapper pour tenter de retrouver une apparence humaine. Terré dans les bas-fonds de Tower City, la super-mégalopole, il crie sa révolte à travers une techno faite avec de vieux synthés de récup. Un univers dans lequel Janski Beeeats nous fait facilement rentrer grâce à une installation vidéo présente derrière lui projetant des bidouillages d'images triturées, de petits films d'animation fortement inspirés par la culture manga et le jeu vidéo (avec une nette préférence esthétique pour les anciens jeux Amstrad ou Atari) concoctés par le tourangeau lui-même, artiste complet car musicien, vidéaste et dessinateur (une bande dessinée vient compléter l'écoute de l'album Game Planet). Et si au départ, n'étant pas fan d'Electro pure et dure, on peut rester hermétique à la Techno de Janski Beeeats, lui reprocher trop de points communs avec Daft Punk (le masque, l'abus de vocoder) ou avec Justice (présence de beats agressifs à la « Phantom ») et trouver que tout cela ressemble au délire masturbatoire d'un adolescent geek et retardé dans sa chambre, on se laisse finalement convaincre par la cohérence artistique du projet mis en place. Et surtout par le dynamisme incroyable dégagé par le musicien sur scène qui ne se contente pas de bidouiller les manettes de sa console et de sa platine mais s'agite dans tous les sens, danse frénétiquement, s'arme d'une guitare électrique ou d'une guitare synthé rendant ainsi sa musique encore plus complexe. En fait, Janski a compris que pour rendre le deejaying intéressant visuellement parlant, il faut l'aborder avec une attitude de Rocker. Enfin, le fait de voir, après le set, à l'occasion de la traditionnelle clope d'entracte musicale, l'artiste, toujours affublé de son masque, restant entièrement dans la peau de son alter-ego, téter sa sucette à cancer en compagnie du public, expliquant avec une grande gentillesse sa démarche, déclarant sa grande joie d'avoir pu jouer sur Lille, finit d'asseoir la sympathie que l'on peut éprouver pour le personnage. Nul doute que Janski Beeeats risque d'être un nom supplémentaire à rajouter à la liste des musiciens français donnant leurs lettres de noblesse à l'Electro hexagonale.

Changement de registre avec les frangins Nick et Gidéon Black qui, après avoir fait leurs premières armes au sein de la scène indépendante californienne, ont décidé de laisser s'exprimer toutes leurs influences au sein du projet Lexicon, groupe de Hip Hop foutraque mélangeant de manière totalement désinvolte grosses sonorités Rock FM, influences Pop, ambiances New Wave, beats Rap old-school et arrivé, avec Rapstars sorti dernièrement, au stade du troisième album. Épaulés par les improbables Erich Schneider (sorte de David Guetta moustachu à l'air encore plus teubé) à la guitare et de Alex Pauley (sosie de Jack Black enchaînant les poses Glam ridicules) à la basse, les Angelinos foutent instantanément, avec « Ready To Go » le bordel sur scène. Rien n'est carré, le son est approximatif, les morceaux ne ressemblent à rien de connu... Mais tout cela, néanmoins, est juste jouissif, hédoniste et festif. Un pur moment de régression totale où les musiciens se font passer une bouteille de Tonton Jack vidée goulument et s'amusent avec les codes et les grosses ficelles du Rock N'Roll Circus Show . A l'image des Beastie Boys, les frères Black investissent la scène en laissant au vestiaire leurs talents de musiciens et en se comportant comme de sales gosses. Mais des enfants jouant à des jeux d'adultes décadents. On imagine leur loge jonchée de bouteilles vides, de mégots de joints écrasés sur la moquette avec des restes de poudre magique sur les meubles et une groupie évanouie les fesses à l'air dans un coin. Les « chansons » se succèdent à la vitesse supersonique et soudain... c'est le drame!

Au bout d'une vingtaine de minutes, sur le tubesque « Junk Food », comparant une fille désirée sexuellement à un bon gros hamburger bien gras dont on a envie de se repaitre en s'en mettant partout, Lexicon arrête de jouer et part furieux... Un responsable de la Péniche monte timidement sur scène pour expliquer que les membres du groupe sont insatisfaits du retour sur scène, ayant l'impression de jouer dans le vide, et attendent que l'on refasse les réglages. Les minutes passent, le temps commence à se faire long, on se dit que le set ne reprendra pas et que d'un concert de sales gosses, on passe à un concert de sales cons. Miracle, les californiens reviennent au bout de 25 minutes. Mais on se dit que c'est foutu. L'ambiance est brisée. Imaginez-vous en plein ébats amoureux et votre partenaire s'arrêtant pour vous dire: « Je vais faire caca !». Pas sûr qu'à son retour, l'excitation soit la même...

Et pourtant, et pourtant... Ces dingos réussiront à faire remonter le soufflé et à le rendre appétissant avec des apartés dans un français approximatif d'une profonde débilité jubilatoire, une énergie que l'on ne rencontre que dans les couloirs d'un asile psychiatrique et l'évidence mélodique des morceaux du dernier album: « Snap », « A Bit », « Calls » ou « Junk Food » rejoué pour se faire pardonner. Le concert se termine avec « I Wanna Be Sedated ». Choix on ne peut plus judicieux, le titre s'accordant à merveille à la folie de Lexicon et le sample des Ramones utilisé dans la chanson les plaçant en dignes héritiers de ces crétins mythiques connus pour leurs abus en tout genre, leurs problèmes de santé mentale mais aussi leur faculté à accoucher de tubes instantanés. Tout cela nous fait dire que si la connerie est un art, et bien, les membres de Lexicon sont des artistes de talent.

Une bien belle soirée que nous a encore proposée la Péniche. Et si t'étais pas là, et bien tant pis pour toi !!!

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