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Everlast à La Péniche

On s'attendait, peut-être trop naïvement, à ce que le concert se joue à guichets fermés. Que les places se soient arrachées comme des petits pains. Ou des chopes gratuites à la Fête De La Bière. Que nenni. C'est avec étonnement, et même une pointe de désappointement, que l'on découvre, en arrivant à La Péniche, que la soirée est loin d'afficher sold-out.
Concurrence de la coupe de monde de football ? Lendemain de Main Square ? Départs massifs en vacances ? Une ville qui se vide de ses étudiants une fois l'été arrivé ? Manque de communication autour de la date ? On s'interroge. On cherche des explications. Mais on a du mal à comprendre que la venue d'un monstre sacré tel que Everlast sur les terres lilloises, dans une salle à la jauge restreinte qui plus est, ne déplace pas plus les foules.

Une figure pourtant majeure du Hip Hop U.S. du début des années 90. Qui avec son groupe culte House Of Pain, à l'instar de Public Enemy, Cypress Hill ou encore les Beastie Boys, est venu chambouler l'univers musical d'une multitude d'ados boutonneux, jusqu'alors biberonnés au Rock  ou au Hard-Rock MTV de l'époque, En leur ouvrant les portes de la culture Hip Hop. Provoquant un déluge caricatural de jeunes hommes portant désormais leur casquette à l'envers et se laissant pousser un bouc miteux de post-pubère. Un artiste qui, alors que Eminem n'était encore qu'un spermatozoïde dans son parc à mobil-homes, introduisait déjà des préoccupations white-trash dans LA musique du ghetto. Et, comme le Rap mène à tout, à condition d'avoir la culture nécessaire, un musicien qui a su brillamment se réinventer en solo en mélangeant intelligemment Blues, Folk, Country et Hip Hop sur des albums inspirés. Dont certains ont été certifiés disques de platine.

En regardant autour de soi, et en attendant impatiemment l'ouverture des portes, on constate que les gens présents ont en moyenne entre 35 et 40 ans (voire plus, mais on ne veut vexer personne, on est comme ça à LLN...). La vérité nue s'impose alors. Everlast est devenu, du moins en France, un artiste générationnel. Sentiment renforcé par l'échange entretenu avec un Belge ayant traversé fébrilement la frontière et avec qui on partage les souvenirs émus d'une date anthologique (et sold-out, pour le coup) donnée à l'Ancienne Belgique de Bruxelles, en 2001. « Mais qu'est-ce qu'on apprend aux jeunes à l'école » se demande-t-on en riant dans une discussion de vieux cons battants. Tout en observant un autre péquin arborant fièrement un T-shirt vintage, ruiné aux aisselles, de House Of Pain.

Ainsi, on balaie vite la déception. En se disant que la soirée se vivra entre fidèles. Entre vrais de vrais. Des mecs qui ont aimé. Qui aiment. Et qui continueront d'aimer. Coûte que coûte. En connaissant par coeur le sujet. Un showcase pour initiés. L'extase. Surtout que le concert prend des formes de rétrospective intimiste. S'intégrant dans la continuité d'un album minimaliste, « The Life Acoustic », où Everlast revisite ses morceaux préférés, donc toute sa carrière, dans leur plus simple appareil.

Un exercice hautement casse-gueule que la tournée acoustique. Où l'on peut tomber dans l'anecdotique. Ambiance colonie de vacances où un animateur un peu lourd mais malheureusement beau gosse (donc irritant) prend sa guitare sèche autour d'un feu de camp sur la plage pour faire titiller le coeur des jouvencelles. Ou le carrément ennuyeux et prétentieux. Parce que le répertoire révèle qu'il n'a pas la carcasse suffisamment solide pour se voir écorché. De plus, il faut maîtriser. Vocalement et humainement. Pour que l'intérêt ne s'amenuise jamais. Des pièges dans lesquels Everlast ne tombera jamais.

20H30. Le bonhomme monte sur scène, la guitare en bandoulière. Accompagné d'un simple pote claviériste. Histoire de donner plus de corps à ses réinterprétations. « Broken », l'histoire d'un homme brisé par les obstacles malencontreux de la vie, fait guise d'introduction. On entre de plein pied dans l'Americana. Les histoires simples d'hommes simples. Mais jamais simplistes. La voix est grave, chaude, chaleureuse. Patinée par un verre de whisky qui se trouve à portée de main. Immédiatement, on est subjugués, fascinés par le charisme, la présence de ce grand gaillard. Une montagne de muscles tatouée dans laquelle on devine une très grande sensibilité. Et dont le sourire désarçonne. Rassure. Comme celui d'un père bienveillant. Qui aime conter des histoires à sa progéniture. Pour l'avertir, la protéger, la guider...

Le mec ne ment pas. Peu importe le nombre de personnes qui se trouve devant lui. Il vit sa musique, ses paroles. Humblement et jovialement. Prend le temps de discuter avec le public. De plaisanter avec lui. Les chansons se vivent chacune comme une nouvelle (au sens littéraire du terme) et s'enchaînent naturellement. Des pépites, des morceaux judicieusement choisis et dont les versions acoustiques font ressortir les plus beaux atours (« Ends », « Anyone », « White Trash Beautiful », « Little Miss America »,...) . Tout passe avec grâce, sans anicroche. Des récits de coeurs meurtris, de destins fragiles. Les mots sont simples. Mais percutants. Sincères. Le fantôme de Johnny Cash, grand narrateur devant l'éternel, semble d'ailleurs planer sur la prestation. Idée entérinée par la troublante reprise du « Folsom Prison Blues ». On navigue entre fiction réaliste et autobiographie à fleur de peau. Difficile de rester de marbre devant « 65 Roses », faisant allusion à la maladie de sa fille, âgée de 4 ans, victime d'une fibrose kystique. Des paroles poétiques, bouleversantes mais jamais misérabilistes. Et c'est avec le sourire aux lèvres, en tapant du pied ou des mains, que l'on accueille certains morceaux phares: superbe triplé « What Is Like » /  « Put Your Lights On » /  « Black Jesus » dont les paroles sont repris en choeur par une grande partie de l'assistance. Everlast confirme qu'il est devenu grand storyteller. Dont la personnalité profondément attachante ont transformé les 1h30 de concert en moment précieux, bien trop vite passé.

Et dont le souvenir restera vivace et ému. Car s'étant vécu de manière presque confidentielle.

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