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Arthur H + Liz Cherhal au Métaphone

On est parfois un peu terrassé à l’idée d’écrire un live report quand il ne s’est pas passé grand-chose, live, justement. Quand une impression étrange nous étreint : avoir entendu le disque très fort sans qu’aucune dimension supplémentaire ne grandisse l’artiste ou modifie un peu sa perception. Ce soir, ce grand soir, ce beau soir, dans cette belle salle, Le Métaphone, saluée avec appui par les deux artistes, on a assisté à ce que le spectacle vivant peut offrir de mieux, de plus vibrant, de plus émotionnel. Une grande soirée. De vraies personnes, qui font de la musique pour de vrai toutes deux sorties plus grandes qu’en entrant.

On peut penser que dire de Liz Cherhal qu’elle est séduisante, intelligente, pimpante, drôle, amicale est une collection de clichés destinée à masquer une très pauvre vision de ce qu’elle produit sur scène mais… tout est vrai. On s’imagine sans problèmes la retrouver dans une grande brasserie au milieu de ses amis, vous identifiant immédiatement à votre entrée comme si rien n’avait plus d’importance que vous. Donner cette impression à un ami, c’est fort, mais à une salle, c’est grandiose. Chanteuse très sûre vocalement, expressive sans affectation, servie par la compagnie très classieuse de Morvan Prat, aussi à l’aise à l’archet au violoncelle qu’à la guitare. Assumant son angoisse de jouer devant une salle complète, ce qui n’arrive pas tous les jours, elle n’en fait pas pour autant un gimmick. Les textes crus et nus portent à vif sur le public, on se moque en douceur des jeux de mots faciles de certains textes qui enfilent les répétitions comme des perles dans Je t’aime d’amour et on évoque brillamment l’angoisse qui nous étreint tous, parfois dans Il est arrivé quelque chose. Délicieux et fort à la fois.

Quand Arthur H commence à jouer, il est baigné d’une très sobre lumière, assis au clavier et commence dans la plus extrême retenue, tout en douceur, effleurant et caressant les touches de son piano, laissant s’installer l’un des climats, nombreux, qu’il va développer toute la soirée. Le premier ton de cette large palette est encore soft et matois. Arthur est sûr de son fait, sans la moindre prétention. Très rapidement, le public est conquis, debout, prêt à faire toutes les fêtes avec celui qui dit dans un sourire fantasque Quand on a un esprit malade comme le mien, autant en profiter. On va en profiter, donc,  parce que les changements de ton seront nombreux, très maîtrisés, très professionnels mais dans le meilleur sens du terme et la salle chavire plusieurs fois : il l’emmène danser avec Madonna en habits de lumière électrique aux couleurs de l’album, parfois pas si loin d’une vision gentiment parodique et drôle d’un Claude François distancié, comme si on avait bien le droit de faire la fête dans la plus grande boîte de nuit de Oignies. Il reviendra ensuite se poser en apesanteur lente et précise sur des titres plus forts, nous laisser vérifier tranquillement à quel point le travail de sa voix a laissé des traces dans son approche scénique nouvelle (Une femme qui pleure), nous laisser apprécier les compositions les plus abouties du dernier album, Soleil dedans, et nous emmener jusqu’en Chine par les galeries minières du 9/9bis qu’il a visitées l’après midi. Il en tire une longue histoire, celle du Chti’nois oigninois, qui aurait abouti en Chine en passant par ces galeries, se serait arrêté devant le bonimenteur du grand cirque de Shanghai pour l'entendre lui proposer d’étranges spécialités offertes par des danseuses indonésiennes ou d'assister à des numéros d’acrobates phosphorescents nés à Tchernobyl !

Complètement dans sa soirée, celle là, à cet endroit là, ici, maintenant, Arthur H réussit à retourner complètement le public, hilare, ému, touché, retenu, bruyant dans le bon sens du terme. Si on avait voulu prouver ce qu’est la qualité d’un silence d’écoute et une foule déchaînée on pouvait venir à cette seule soirée, à ce seul concert. On ne peut s’empêcher de noter que la langue, le français, permet un contact total et réactif avec une salle. On se laisse emporter et le vaisseau vole longtemps, très longtemps, porté par des musiciens hors pairs, Le navigateur solitaire sait s'entourer. Longuement présentés par Arthur, tous les musiciens ont leur histoire, le bassiste devient une colonne vertébrale, un arbre aux racines profondes, Le batteur, une pulsation cardiaque, le clavier une onde magique, le guitariste une force tranquille traversé d’éclairs de sauvagerie. Le gang est étourdissant, facile, souple, cohérent. Après la Caissière du super, chantée dans un caddy illuminé, on aura même droit, après deux heures quarante cinq, à un vrai rappel, celui qui n’est pas prévu sur la set list, celui qu’on annonce à ses propres musiciens, et  ce sera un petit Cheval de feu, d'une voix un peu blanchie par la durée, parce que ce soir là, au Métaphone les paroles avaient pris tout leur sens : la chevauchée fantastique n'a pas de début et n'a pas de fin.

 

  1. Sodeb

    Cet Arthur!!! Ce concert!!! Une caresse musicale, un volcan de notes qui s allume pour couler sur nos âmes... Une lave symphonique qui glisse chaleureusement le long de nos cœurs... Beau témoignage! Magnifique Yann! Merci!
    Une fan ;)

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