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Primus à l’Aéronef

Primus à L'Aéronef - Chronique sur la pointe des mains

C'est parti pour deux heures et demie de Primus, et une demi-heure de Popeye en interlude. L'Aéro fait salle comble ce soir, il y a du monde dans les coursives, du monde dans la fosse, et beaucoup beaucoup de musiciens : Tronckh, Mayo, Les Vilains Gamins, pour ne citer qu'eux.
Les deux énormes cosmonautes de part et d'autre de la scène encadrent un écran qui diffuse des extraits de films, de clips et, donc, trois épisodes de Popeye. Le concert est scindé en deux set de 75 minutes environ, mélangeant les morceaux du nouvel album Green Naugahyde avec quelques titres plus anciens. Le second, qu'on attendait comme un best-of, lui ressemblera finalement.

Présenter Primus serait une perte de temps, et ne serait qu'un ressassé de ce qu'on peut trouver partout sur Internet. On citera juste quelques collaborations, pour situer : Tom Waits, Tom Morello, BucketHead, Matt Stone de South Park, entre autres. Il faut dire que Les Claypool est un énorme tueur à la basse, que Larry Lalonde, même en retrait, assure grave, et que Jay Lane est le batteur originel, de retour dans le groupe après... 22 ans.

La force de Primus réside, outre les capacités techniques délirantes de Claypool, dans son univers barré : c'est un peu moite, c'est un peu enfantin, c'est un peu dérangeant. Il y a d'énormes riffs, de quoi pogoter, slamer dans tous les sens (d'ailleurs ça n'a pas manqué), mais l'atmosphère générale reste cotonneuse ; la musique est comme distanciée, emmitouflée dans un cocon d'auto-dérision, d'histoires improbables, de pudeur, en fait. Ça tient à la voix, aiguë, nasillarde même, de Les Claypool, mais aussi à leur show assez froid (ils ne parleront jamais au public), "à l'américaine" comme beaucoup de gens le qualifiaient à l'extérieur. Même si le décor était très présent, que les morceaux s'enchaînaient sans rature, et que même les moments d'improvisation semblaient pensés jusqu'à la dernière note, il me semble que c'est la nature même de Primus d'être dans la représentation plus que dans la débauche d'énergie et la communion scénique avec leur public. Sans que ce soit un problème d'ailleurs : on attend pas la même chose d'Antonioni et des frères Dardenne.

Trêve de fumeux dérapages cinématographiques. Les quelques tubes distillés sur le concert n'ont pas suffit, pour une bonne partie des gens, à combler une légère déception. Southbound Pachyderm, Mr Krinkle, My Name Is Mud ou le conclusif Too Many Puppies furent appréciés, certes, mais beaucoup auraient aimé entendre Tommy le chat ou Jerry le chauffard, en live... La plupart des avis entendus s'accordent à dire que le show fut un modèle de précision, de professionnalisme, mais qu'à cause de ces qualités mêmes, il manquait "un petit quelque chose" (cette expression devrait être interdite). Le son était léché, sonnait un peu trop "CD" (sic), le groupe était froid, c'est vrai. Peut-être que Les Claypool n'aime vraiment pas les français. Mais on pouvait aussi/quand même passer une bonne/excellente soirée - quelle émotion pour moi de voir slamer d'un bout à l'autre de la salle l'intégralité de Wes Waltz... Le groupe est indéniablement généreux, jouant près de trois heures pour une vingtaine d'euros, attentif aux détails du show, donc au public (les épisodes de Popeye à l'entracte, par exemple : tout le monde gueulait encore "Popeye, tes épinards !" au début du deuxième set). Donc, quelque part, s'ils ne veulent pas s'enfermer dans leurs tubes des années 90 et tiennent à nous jouer l'intégralité de leur dernier album, on pourrait peut-être juste les respecter de rester exigeants. On aura Tommy the Cat une autre fois !

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