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Kill It Kid à la Péniche

Alors que les grandes salles de la Métropole ont fermé il y a peu leurs portes, La Péniche, vaillamment, fait de la résistance. Et continue de programmer à un rythme régulier des concerts en son sein métallique. Afin qu'estival puisse rimer avec musical.

Pourtant peu de monde en cette fin de dimanche après-midi pour le passage des Kill It Kid. Départs massifs en vacances ou en week-end prolongé ? Ville désertée de ses étudiants ? Bourses mises à sec par les nombreux festivals du moment ? Un groupe malheureusement encore peu connu ? Sûrement un peu de tout ça... Quoi qu'il en soit, ce manque d'affluence confirmera un vieil adage. Celui que les absents ont toujours tort. Car les britanniques ont tout simplement livré une des prestations les plus authentiquement réjouissantes de cette saison.

En venant défendre leur troisième album, 'You Owe Nothing', le quatuor a en effet offert sur l'étroite scène lilloise un Rock de fond de cale d'une redoutable efficacité, électrisant et belliqueux en diable. Un show en forme de claque fumante. Assenée avec une aisance et une maestria que des musiciens n'acquièrent que sur scène et par ailleurs. Prouvant à cette occasion que les anglo-saxons ne sont jamais aussi bons que quand ils viennent piétiner les plates-bandes de leurs cousins américains. A l'instar des grandes formations d'outre-Manche des sixties et du début des seventies : The Rolling Stones, Ten Years After et The Faces en tête.

Des influences qui ont sans nul doute possible accompagné Chris Turpin, guitariste, chanteur et tête pensante du quatuor, dans la construction de son identité musicale. Du haut de ses 26 ans, celui-ci impressionne, subjugue, époustoufle, estomaque. Prouve que derrière ses traits graciles, sa blondeur angélique et son apparente douceur se tapit en fait une véritable bête de scène faisant corps avec sa musique, le coeur branché en direct sur la prise électrique. C'est simple : le mec donne l'impression d'avoir tout à offrir. Une présence naturelle, qui s'impose d'elle-même, sans forcer le trait. Un jeu de guitare orageux, profondément enraciné dans le terreau boueux du Sud Américain, sauvage, dur et accrocheur. Exsudant le plaisir de jouer, l'envie d'en découdre, de faire chauffer la salle, de l'incendier. Se jouant des notes comme s'il pleuvait des braises. A grand renfort de riffs agressifs et de solos tranchants. Une incandescence brute, une débauche d'électricité physiquement excitante. Devant laquelle il est impossible de rester impassible. De ne pas ressentir ce plaisir instantané qui fait que l'on ne peut s'empêcher de taper avec force du pied ou de remuer la tête. Plaisir accentué par une rythmique basse-batterie faisant preuve d'une énorme présence et croisant magnifiquement le fer pour ne pas se faire vampiriser.

Habité par une foi bravache et inconsciente en son instrument, Chris Turpin fait planer sur lui l'ombre tutélaire du grand Rory Gallagher, particulièrement dans les passages au dobro. S'impose comme l'un de ses plus dignes rejetons. Partageant avec l'Irlandais, cerise sur un gâteau déjà bien copieux, une superbe voix qui prend aux tripes. Démarrant au quart de tour tel un moteur se nourrissant de sa propre énergie. Graveleuse à en décoller le papier peint. Pleine de rage, de feeling et d'émotion. D'une maturité contrastant à merveille avec un visage si juvénile. Et trouvant dans le timbre de Stephanie Ward, également au clavier, un joli point de contraste. Spécialement sur les morceaux mid-tempo comme le tubesque 'Caroline' ou la surprenante et réussie reprise du 'State Trooper' de Bruce Springsteen.

Déjà séduisants sur disque, les Kill It Kid prennent sur scène leur véritable dimension. Transcendent leur répertoire, lui donne de l'ampleur en le délestant de son gras et de son superflu. Son côté F.M. quelques fois un peu gênant aux entournures, par exemple. Ça cogne sec, ça racle sévère. On tricote des boogies lourds et vicelards ou des rythmiques bourrines à la limite du Hard- Rock. On trempe le Blues dans ce qu'il a de plus moite. Avec une belle maîtrise des climats. Et de superbes moments de respiration (la classieuse 'Hurts To Be Loved By You' où l'alliance des vocalistes fait merveille). On joue dur mais sans faire les gros bras... Sans maniérisme poussif, Chris Turpin et sa bande font le spectacle. Rappellent que l'on va voir un concert et non pas seulement l'écouter. Que l'attitude est importante. Surtout à une époque où un trop grand nombre d'artistes montent sur scène en tirant une gueule de six pieds de long, arborant la triste mine d'un prof de lettres végétarien et dépressif, le regard perdu dans des arpèges neurasthéniques.

1h10 de rodéo endiablé au final. Comme un percutant exemple de Rock N'Roll à l'ancienne. Ressuscitant, ou du moins faisant perdurer, un esprit : celui d'un Rock franc, sincère et rentre-dedans. Tout en lui apportant un souffle nouveau : celui de la jeunesse.

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