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Clinton Fearon + Kazy aux 4 Ecluses

Dans l'antiquité, les gladiateurs faisaient rarement de vieux os. En Jamaïque, c'est une autre histoire.

Ancien bassiste et choriste emblématique des Gladiators, mythique groupe de Reggae qu'il a quitté à la fin des années 80, Clinton Fearon ne semble pas près de rendre les armes. Bien au contraire. A plus de soixante ans, et quarante de carrière, ce vétéran continue de perpétuer avec panache l'héritage musical de son île natale. Comme le prouve le récent Goodness, son 11e album solo. Qu'il n'est pas interdit de considérer comme l'un des plus beaux chapitres de sa longue carrière. Une oeuvre s'inscrivant dans la dynamique des grands disques Reggae Roots des 70's, ressuscitant l'âme des labels Studio One ou Front Line, tout en faisant preuve d'une grande inventivité et d'une approche personnelle du genre.

Avec une telle tête d'affiche, il n'est donc pas étonnant, en cette fin de dimanche automnal, de voir une foule compacte trépigner d'impatience devant l'entrée des 4Ecluses. Un public bigarré et multigénérationnel. Où l'on retrouve autant de jeunes rastas blancs en pleine phase de poussage de tresses que de vieux puristes.

Pour faire résonner les premières bonnes vibrations, un jeune artiste originaire de Madagascar, Kazy. Venu présenter en guitare-voix l'univers de son groupe, Bi.Ba. Il ressort de sa prestation, emmenée par une voix chaude et émouvante, une sorte de Folk métisse qui en impose par sa sobriété. Des chansons souvent engagées, mais jamais naïves, écrites en français, en anglais ou en malgache où se mélangent subtilement sonorités Roots acoustiques et mélodies de l'océan Indien. Rappelant ainsi les liens étroits qu'ont toujours entretenu la musique jamaïcaine et la musique africaine. Boisées, dénuées de toute afféterie et gorgées de soleil, les mélodies de Kazy développent un charme naturel et instantané. Une bien jolie carte de visite. Qui donne irrémédiablement envie de le redécouvrir avec son groupe au grand complet.

Grand nom du Reggae ne signifie pas automatiquement grand concert. Lillelanuit a souvent, et malheureusement, pu le vérifier. Avec la venue de véritables légendes de la musique Rasta dont les concerts se sont révélés finalement assez décevants. Car elles étaient malencontreusement accompagnées sur scène par de sinistres gangs de requins, des musiciens de commande courant le cachet et jouant froidement leur répertoire, sans aucune connivence. Des backing bands généralement resserrés à l'extrême (pour des raisons que l'on devine financières) où les cuivres brillaient par leur absence et étaient remplacés par des sons de claviers plastifiés qui feraient passer l'orgue de Charly Oleg pour un piano de la Motown.

Bassiste de formation, mais aussi guitariste et percussionniste accompli, Clinton Fearon ne tombe pas dans cet écueil. Dans un souci d'authenticité, il s'est entouré de musiciens de haute volée, des compagnons fidèles avec lesquels il a pu créer une véritable alchimie : le Boogie Brown Band. Porté par ce groupe impressionnant de maîtrise, Clinton Fearon offre un show qui, aussi bien au niveau du chant que des instrumentaux, présente une qualité, une cohérence et une finesse qu'il est désormais bien rare de retrouver dans les concerts de Reggae actuels.

Titre après titre, le concert fait se déployer avec enthousiasme les vibes Roots des années 70, ravivant bien sûr les heures de gloire des Gladiators, de Burning Spear ou de Steel Pulse. Mais grâce à de subtils arrangements et de judicieux glissements, le Reggae de Clinton Fearon évite de tourner en rond et de n'être qu'une ode à l'âge d'or du one-drop. Le chanteur jamaïcain confronte en effet ses racines musicales à d'autres registres. Y introduit des sonorités Jazz, Bluesy, World ou Funk. Pour un résultat d'une très grande richesse. Dominé par la voix magique et restée intacte du sexagénaire. Incontestablement, l'une des plus riches de la galaxie Reggae.

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