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Dalton Trumbo : Bryan « Breaking Bad » Cranston dans la peau d’un scénariste légendaire

Synopsis : Hollywood, la Guerre Froide bat son plein. Alors qu'il est au sommet de son art, le scénariste Dalton Trumbo est accusé d'être communiste. Avec d'autres artistes, il devient très vite infréquentable, puis est emprisonné et placé sur la Liste Noire : il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent et au soutien inconditionnel de sa famille, Il va contourner cette interdiction. En menant dans l'ombre un long combat vers sa réhabilitation, il forgera sa légende.

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Bryan Cranston :  c'est peut-être lui qui aurait dû recevoir l'Oscar du meilleur acteur !

 

Critique : Quelle bonne idée ! Quelle belle idée de consacrer un long-métrage, un biopic, à Dalton Trumbo ! Si vous ne connaissez pas cette légende de Hollywood, sachez que cet écrivain et scénariste de talent écrivit quelques-uns des plus beaux films américains des années 50, 60 et 70 : Gun Crazy, Vacances Romaines, Cow-Boy, Spartacus, Exodus, Seuls sont les indomptés, Le Chevalier des sables, Papillon,

Dalton Trumbo écrivit également un roman qu’il se chargea d’adapter en personne  pour le cinéma - sa seule réalisation - : Johnny s’en va-t-en guerre. Un chef-d’œuvre absolu, l’un des films les plus antimilitaristes de l’histoire du cinéma que l’on se doit d’avoir vu au moins une fois dans sa vie !

Mais si Hollywood consacre aujourd’hui un long-métrage à Dalton Trumbo, ce n’est pas seulement parce qu’il fut l’un de ses plus brillants scénaristes (après tout, il y en a d’autres). C’est plutôt parce que l’« usine à rêves » et les Etats-Unis d’Amérique ont beaucoup à se faire pardonner. Et doivent adresser de sacrées excuses à cet homme qui fut humilié, sali et sur lequel on jeta l’opprobre.

De 1950 à 1954, le Maccarthysme bat son plein. Les Etats-Unis font la "Chasse aux Sorcières" - comprenez aux communistes -. Peu importe que vous soyez réellement inscrit au « Parti ». Il suffit d’avoir dans son cercle d’amis des personnes aux idées très ancrées à Gauche. Ou simplement être « coupable » d’avoir adressé la parole à un homme suspecté de sympathies communistes.

Le cas de Dalton Trumbo est plus simple : communiste, il l’est ! D’ailleurs, il ne s’en cache pas et le revendique. Ce monstre de travail - qui fait souvent passer sa famille après les films qu’il doit écrire - va se retrouver pris au piège d’une machination infernale. Lui et quelques-uns de ses camarades - dont l’acteur James Cagney - doivent se justifier de leur amitié ou non pour les communistes, leur inscription au « Parti ». Évidemment, comme tous les procès en sorcellerie, celui-ci est à charge. La commission des activités anti-américaines est persuadée de la culpabilité des accusés bien avant que le procès ne s’ouvre.

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Dalton Trumbo : Un homme humilié, sali, sur lequel on jeta l’opprobre.

Dalton Trumbo va devoir faire montre d’une ingéniosité, d’une intelligence remarquables pour continuer à travailler comme scénariste. Ce qu’il fera en utilisant des pseudonymes, en demandant à des amis scénaristes de signer de leurs noms des films qu’il a écrits. Ces faits sont relatés dans des scènes oh combien savoureuses. Se voir décerner un Oscar à Hollywood alors qu’on est inscrit sur la liste noire c’est tout de même cocasse et puissamment ironique.

Le film retrace donc le combat de Dalton Trumbo pour défendre ses idées, avoir le droit de travailler, conserver sa dignité d’homme.

Jay Roach se charge de filmer cette histoire vraie (splendide scénario de John McNamara d’après le livre de Bruce Cook). A vrai dire, on n’attendait pas, on n’imaginait pas le réalisateur de Austin Powers et de Mon Beau-Père et Moi à la réalisation de ce film. Le sujet n’était-il pas trop éloigné des préoccupations habituelles du réalisateur ?

En fait, Jay Roach s’en sort avec plus que les honneurs. La mise en scène de Dalton Trumbo est certes très classique (avouons-le, parfois académique). Mais on ne peut imaginer, si on est honnête, un autre traitement cinématographique que celui adopté par le cinéaste. De plus, le film est très prenant, un suspense s'instaure.

Mais on ne va pas se leurrer, la force de Dalton Trumbo, c’est avant tout son histoire. Le décorum qui nous est présenté. Cette époque de l’Âge d’Or de Hollywood qui est retranscrite. Et surtout le personnage hors du commun au centre de cette histoire.

Le coup de génie est d’être allé chercher Bryan Cranston, l’acteur de Malcolm et Breaking Bad. Quel talent ! Il est si parfait dans le rôle de Dalton Trumbo qu’on n’imagine pas une seule seconde un autre acteur incarnant le personnage. Il aurait vraiment pu obtenir l’Oscar du meilleur acteur ! Il le méritait bien plus que Leonardo DiCaprio (acteur de génie, hélas bien mauvais dans le pachydermique et prétentieux The Revenant).

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John Goodman, acteur fétiche des frères Coen, est savoureux dans le rôle de Frank King.

 

Tous les autres acteurs de Dalton Trumbo sont remarquables : la trop rare Diane Lane - qui incarne Cleo Trumbo, l’épouse de Dalton -, Elle Fanning splendide dans le rôle de la pugnace fille de Trumbo : Niki, Helen Mirren dans celui de cette garce de Hedda Hopper - « journaliste » reine des torchons people de l’époque -, John Goodman dans la peau du producteur Frank King. Sans oublier les comédiens qui incarnent les célébrités alors en vogue à Hollywood : John Wayne, le cinéaste Otto Preminger… Mais la palme revient à Dean O'Gorman qui joue Kirk Douglas. Il faut le voir sur le tournage reconstitué du Spartacus de Kubrick ! L’illusion est parfaite. Un vrai bonheur pour les cinéphiles !

L’une des vertus de Dalton Trumbo est aussi de rappeler certains faits oubliés et de remettre les pendules à l’heure. Certaines Stars se sont montrées irréprochables et d’une grande humanité : Kirk Douglas, par exemple. D’autres furent contraints de balancer leurs camarades sous peine de ne plus jamais travailler et en furent meurtris à jamais (James Cagney). Mais d’autres firent du zèle comme John Wayne - ce qui ne retire rien à son grand talent d’acteur - qui croyait sans doute un peu trop être le redresseur de torts qu’il incarnait à l’écran.

Le film rappelle également que la « chasse aux sorcières » n’eut pas lieu qu’à Hollywood. Elle s’exerça dans tous les milieux : dans les usines, au bureau. Aucune catégorie socioprofessionnelle ne fut épargnée. Il était important de le dire car on situe un peu trop souvent le maccarthysme à la seule géographie hollywoodienne.

S’il n’est pas un chef-d’œuvre d’un strict point de vue cinématographique, Dalton Trumbo n’en demeure pas moins un film important. Il faut rappeler à quel point cette « chasse aux sorcières » brisa des vies et provoqua des suicides. Il faut le rappeler car Dalton Trumbo, loin d’être un "simple" biopic, peut/doit également se voir comme le miroir de notre société actuelle.

Le Patriot Act est adopté depuis le 25 octobre 2001. Et quant on voit la bêtise crasse de Donald Trump, le programme qu’il veut mettre en place, on se dit que le sénateur McCarthy n'était peut-être qu'un « enfant de chœur ». Mais ne jetons pas l’anathème aux Etats-Unis. Partout dans le monde, on brise des vies. On exécute, même. Mais heureusement, comme Trumbo, des hommes continuent de se battre pour leurs liberté, idéaux et idées politiques.

Pour finir sur une note plus légère, on tient à signaler la beauté des décors, des costumes et de la photographie de Dalton Trumbo - surtout lorsque le film retrouve la magie de l’image noir et blanc des films réalisés dans les fifties -.

Allez, un dernier petit conseil : ne quittez pas la salle dès le début du générique... Dalton Trumbo est le film à voir impérativement cette semaine !

Dalton Trumbo, un film de Jay Roach
Durée : 2h04
Sortie le 27 avril 2016

Film-annonce, affiche, photos © UGC Distribution

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