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Les Cowboys : François Damiens dans un film se télescopant à l’actualité

Synopsis : Un rassemblement country western quelque part dans l'est de la France. Alain est l'un des piliers de cette communauté. Il danse avec Kelly, sa fille de 16 ans sous l'œil attendri de sa femme et de leur jeune fils Kid. Mais ce jour-là Kelly disparaît. Alain n'aura alors de cesse que de chercher sa fille. Le voilà projeté dans le fracas du monde. Un monde en plein bouleversement où son seul soutien sera désormais Kid, son fils, qui lui a sacrifié sa jeunesse, et qu'il traîne avec lui dans cette quête sans fin.

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Kid (Finnegan Oldfield) et Alain (François Damiens) à la recherche d'une enfant perdue.

 

Critique : On le sait, le cinéma s’est depuis toujours fait le reflet des problèmes de société. Parfois, il devance les évènements. En posant, quand les films sont bons, de bonnes questions sans apporter de réponses toutes faites et simplificatrices.

La sortie de longs-métrages traitant de l’islamisme, des attentats de Charlie Hebdo, était prévue bien avant les évènements tragiques du 13 novembre dernier à Paris, et de la prise d'otages dans un hôtel international à Bamako. La quasi totalité de ces films sortiront bel et bien aux dates prévues : le remarquable Taj Mahal de Nicolas Saada (sur lequel nous reviendrons), L’humour à Mort, le documentaire de Daniel et Emmanuel Leconte et enfin Les Cowboys, que nous avons décidé de traiter dans ces lignes.

Seul Made in France, de Nicolas Boukhrief, voit sa sortie repoussée en début d’année prochaine (en espérant qu’il ne soit pas condamné à une sortie VOD ou ECinéma). Mais on voit mal comment la proximité de sa sortie - prévue le 18 novembre dernier - avec les attentats aurait pu avoir lieu. D’autant plus que son affiche, coup de poing, aurait certainement compliqué les choses.

Les Cowboys, premier film de Thomas Bidegain (coscénariste de Jacques Audiard sur Un Prophète, De Rouille et d’Os, Dheepan) sort bel et bien sur les écrans cette semaine. On ne peut que féliciter Pathé d’avoir maintenu la distribution du film à la date prévue.

Les Cowboys, porté par les interprétations parfaites de François Damiens (dont il serait temps de se rendre compte qu’il n’est pas seulement François l’Embrouille) et Finnegan Oldfield - vu récemment dans Ni le Ciel, Ni la Terre, déjà coscénarisé par Bidegain - nous fait découvrir sur quasi vingt ans (de 1994 à 2012) un père se lançant, en compagnie de son fils, dans une quête effrénée pour retrouver sa fille convertie à l’islamisme par amour. Dis comme ça, au regard des derniers évènements, le film peut faire peur. Pourtant, Les Cowboys évite toute faute de goût en osant traiter son sujet sans détour, avec audace, intelligence et subtilité.

Passons sur le tour de force scénaristique que vous découvrirez en allant voir Les Cowboys - et que nous ne vous dévoilerons pas - pour nous pencher sur la façon dont le réalisateur aborde son sujet et la manière dont il le met en scène. Le film ne s’intitule pas Les Cowboys par hasard. En cinéphile pointu, Bidegain fait des allusions au cinéma de John Ford - La Prisonnière du Désert est évidemment convoquée - et à d’autres grands cinéastes du genre comme Don Siegel.

Surtout, il parsème son film de petits détails faisant directement référence au western lui-même : paysages sauvages, écran large (on dit encore Cinémascope, bien que ce format n’existe plus). A ce titre, n’arrivez pas en retard à la projection du film, vous manqueriez son ouverture et le plus beau plan qu’il nous ait été donné de voir ces derniers temps au cinéma.

CB

Thomas Bidegain sur le tournage de son film Les Cowboys

 

Ce qui nous a frappé, à Lille La Nuit, c’est que Bidegain traite d’un sujet de société, actuel, en passant par le prisme du cinéma de genre. Beaucoup de grands metteurs en scène de cinéma l’ont fait. Une façon sans doute pour eux de dire, sans prétention aucune, des choses essentielles. C’est ce que nous avons voulu savoir lorsque Thomas Bidegain est venu présenter Les Cowboys à Lille, le 26 octobre dernier, en compagnie de son coscénariste Noé Debré, ses acteurs François Damiens et Finnegan Oldfield.

Thomas Bidegain : « Le Genre, c’est un truc formidable. Le Genre, c’est démocratique. On va comprendre, on va réduire les enjeux du film… Ça va être un père qui cherche sa fille. Et là, on va pouvoir parler du Monde. Mais la première marche de l’escalier, elle est basse. Tout le monde peut rentrer dans le train (…) et une fois qu’on sera à l’intérieur du train, on va voir au fur et à mesure que le regard du héros - et même du fils – va se complexifier, le film va se complexifier. On va commencer à se poser d’autres questions mais toujours à l’intérieur du Genre, toujours en étant dans une quête, toujours en étant avec des chevaux, des armes. Et on va pouvoir passer à un point de vue plus moderne, plus complexe. (…) J’ai toujours peur des films qui sont trop frontalement politiques. Parce qu’ils ne vont être vus que par des gens qui sont déjà convaincus. Les autres ne vont pas aller les voir. Quand Michael Moore fait un film sur les armes, les personnes qui sont pour les armes n’iront pas voir ce film. Alors que si on fait un film de Genre, on va pouvoir convaincre et toucher d’autres publics. »*

Les Cowboys se garde donc bien de faire des leçons de morale, de donner des cours de politique internationale. Bidegain FAIT du cinéma. Ce qui ne l’empêche pas de glisser des idées fortes sur le fanatisme religieux, mais aussi le racisme dont peuvent être victimes de jeunes musulmans (par le biais de Shazhana incarnée par la bouleversante Ellora Torchia), qu’on amalgame avec ces salopards de fondamentalistes.

En bon cinéaste, Bidegain a compris que le début de la mise en scène passe par un excellent casting. Finnegan Oldfield est LA révélation du film - il est d ‘ailleurs présélectionné pour le César du meilleur espoir masculin -. Quel regard, quelle énergie ! Quant à François Damiens, il confirme bel est bien qu'il est l’un des acteurs les plus talentueux du moment (comme c'est souvent le cas avec les comédiens belges). Bidegain a su voir en lui un héros. Et c’est vrai, qu’on ne l’avait jamais vu comme ça : puissant, charismatique avec sa belle dégaine à la John Wayne.

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François Damiens : puissant, charismatique et dégaine à la John Wayne.

 

Lille La Nuit a aussi voulu savoir pourquoi les deux acteurs ont décidé de s’engager sur Les Cowboys.

François Damiens : « Moi ça me parlait de faire un film où le sujet du djihadisme y était abordé. Parce que c’est vrai qu’avec le temps qui passe… Moi j’ai un enfant de l’âge de Kid (Finnegan Oldfield) au début du film. Et c’est vrai que ça peut tous nous pendre au nez. Avant ils prenaient le train quand il y a eu les grandes lignes européennes. Maintenant, ils prennent le train, puis l’avion, et ils vont plus loin, quoi ! Quant on voit les parents à qui ça arrive, ce sont des gens qui ne s’en doutent pas forcément, quoi ! Il y a peut-être un manque de dialogue… Un accident de parcours, un contexte moins fluide avec un enfant, des mauvaises rencontres… Et puis, ça glisse, ça glisse… Un enfant un peu faible au niveau du caractère. Et donc, je trouvais ça intéressant de montrer (et c’est ce qu’on voit quand le film démarre) que c’est une famille comme toutes les familles. Moi je me sentais proche du père. Il a une chouette vie. Il vit dans un chouette coin. Et tout d’un coup ça lui tombe dessus, c’est aussi foudroyant, qu’un coup de fil qui vous annonce que votre fille est morte dans un accident de voiture et qu’elle est aux urgences ».*

Finnegan Oldfield : « Moi au début, je suis rentré dans le panneau. J’ai lu l’histoire et je suis rentré dans le film un peu au premier degré. J’ai toujours adoré le western et je me suis dit : " OK ! Ça va être un peu un film d’aventures. C’est l’histoire d’un gamin qui va conduire un camion au Pakistan, qui va devenir un vrai cowboy et rencontrer un américain qui a de l’or dans sa ceinture." Moi au début, c’est ça qui m’a plus dans le film.  Et puis en commençant à travailler dessus, en en parlant avec Thomas, petit à petit, j’ai compris de quoi il s’agissait (…). Et c’est vrai, effectivement, qu’une fois que je me suis retrouvé dedans, je me suis retrouvé embarqué ! »*

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Les Cowboys : quand le cinéma se télescope aux évènements récents.

 

Embarqués, nous faisons le pari que vous le serez, comme nous l’avons été. Les Cowboys est un film à découvrir en salles. Pour la beauté de sa réalisation et ses images, l’intelligence de son script, la finesse de son interprétation, la musique de Raphaël. Et, aussi, parce qu'il serait dommage de s’empêcher de le voir sous prétexte qu’on y aborde un sujet douloureux, proche de la triste actualité de ces derniers jours. Il est des films qui nous aident à y voir plus clair, à formuler, échanger. Les Cowboys en fait partie.

* Propos recueillis le lundi 26 octobre 2015

Les Cowboys Un film de Thomas Bidegain
Scénario : Thomas Bidegain et Noé Debré
Avec : François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne et John C.Reilly
Sortie le : 25 novembre 2015
Durée : 1h45min

Affiche et film-annonce  © Pathé Distribution Photos © Antoine Doyen Pathé Distribution

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