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Trois maîtres de l’horreur au Majestic de Lille !

Cette semaine, Lille La Nuit vous propose de faire un petit tour du côté du cinéma Le Majestic pour découvrir la programmation bien flippante concoctée par Plan Séquence : Les Maîtres de l’Horreur ! Au programme, trois classiques, trois pierres angulaires du cinéma d'épouvante : Massacre à la Tronçonneuse, La Nuit des Morts-Vivants et Les Griffes de la Nuit, en copies numériques restaurées.

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La Nuit des Morts-Vivants le film culte de George A. Romero.

 

Nous ne reviendrons pas sur Massacre à la Tronçonneuse, le chef-d’œuvre de Tobe Hooper puisque nous lui avons déjà consacré un large article. En revanche, allons-y pour les deux autres films proposés !

Les films d’horreur sont appréciés par les spectateurs qui aiment avoir la chair de poule, et ce depuis la naissance du 7ème Art. On ne compte plus les classiques qui ont vu le jour depuis l’apparition du cinéma : Le Cabinet du Dr. Caligari, Nosferatu, Frankenstein, Le Cauchemar de Dracula… Des films en provenance d’Allemagne, des États-Unis, de Grande-Bretagne, d'Italie... Ce qui est intéressant, c’est que les films allemands, réalisés lors du mouvement expressionniste, montrent des univers terrifiants, sombres, étouffants, avec des personnages qui représentent le mal absolu. Ces films préfigurent clairement l’arrivée du nazisme. Il en va souvent ainsi avec le cinéma de genre qui permet, on l’a déjà dit dans ces lignes, de faire passer des messages, des idées politiques, sans avoir l’air d’y toucher. Le genre est un bon véhicule pour déjouer les censeurs.

Mais lorsque La Nuit des Morts-Vivants, le premier long-métrage de George A. Romero un cinéaste originaire de Pittsburgh sort en 1968 (période phare pour le cinéma de genre adulte puisque sortiront la même année  La Planète des Singes, Rosemary’s Baby et 2001, l’Odyssée de l’Espace ), il s’agit d’un véritable électrochoc !

Le film est tourné en noir et blanc pour une bouchée de pain : 114.000$ (avec des plans baroques qui rappellent justement l’expressionnisme allemand). Il est d’une grande violence psychologique et visuelle. Il s’agit en grande partie d’un huis clos, où de jeunes gens vont devoir repousser l’attaque de morts revenus à la vie. Le film de Romero - scénarisé avec John Russo - s’inspire librement d’un classique de la littérature fantastique, Je suis une Légende de Richard Matheson, qui sera adapté trois fois au cinéma.

Et ce qui frappe la jeunesse, à la vision de ce film, c’est son côté ultra réaliste, nihiliste, subversif. D’un seul coup, on quitte les décors des films d’horreur de la Universal et de la Hammer, pour pénétrer dans un univers contemporain, cru et proche du documentaire. D’une certaine façon, La Nuit des Morts-Vivants est la transposition de la Nouvelle Vague française et du Free Cinema anglais dans le cinéma d'horreur. On y trouve la même liberté, la même fraicheur, le même refus des conventions.

N’oublions pas qu’en 1968, les États-Unis s’embourbent au Vietnam, que de nombreux gamins américains sont sacrifiés, que beaucoup de jeunes s’opposent à ce conflit en multipliant les actions pacifiques.

Comment ne pas voir en La Nuit des Morts-Vivants, une parabole sur le Vietnam, avec ses scènes de violence frontale, brutes de décoffrage qui rappellent les images d’actualité diffusées sur les écrans de télévision ? De plus, alors que le racisme contre les afro-américains fait rage, La Nuit des Morts Vivants a pour héros un noir, fait assez rare dans le cinéma US de l’époque (à part dans certains films produits par Hollywood, avec Sidney Poitier). On ne vous dévoilera pas la fin du film, mais il est assez clair que La Nuit des Morts-Vivants en plus d’être un brillant et effrayant classique de l'épouvante, est un sacré film politique ! D’ailleurs, l’un des premiers plans du long-métrage présente un drapeau américain, comme si Romero annonçait la couleur et disait « Ce que vous allez voir, cette violence, cette noirceur, cette souffrance, ce désespoir : c’est ma vision de l'Amérique ! ».

On est d’autant plus étonné alors d’entendre Romero dans l’excellent documentaire de Jean-Jacques Bernard, George A. Romero for President !, dire qu’il n’avait pas vraiment conscience de la portée politique de son film.

Par la suite, Romero poursuivra la réalisation de films de morts-vivants au point de créer un genre à part entière. Son chef-d’œuvre : Zombies (Dawn of the Dead en vo), réalisé dix ans plus tard en 1978, contient cette fois une charge radicale d’une grande violence contre le consumérisme. Les morts-vivants dans le film errent dans les rayons d’un immense hypermarché. La société de consommation ne nous a-t-elle pas décidément tous transformés en zombies ?

Autre film présenté lors de cette semaine consacrée aux maîtres de l’horreur : Les Griffes de la Nuit, réalisé par Wes Craven. Lorsque le film sort en 1984, Craven est déjà un nom du cinéma de terreur. On lui doit La Dernière Maison sur la Gauche, La Colline a des Yeux, La Ferme de la Terreur. Avec Les Griffes de la Nuit, la portée politique est moins évidente que dans le film de Romero ou dans Le Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper - qui, lui aussi, peut se voir comme un discours sur le Vietnam mais aussi la présidence de Nixon et l'affaire du Watergate, avec cette représentation d'une Amérique en putréfaction -.

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Affiche originale française du film de Wes Craven, Les Griffes de la Nuit.

 

Les héros des Griffes de la Nuit sont de jeunes gens issus de la middle-class blanche. Nous sommes en pleine ère Reagan : les républicains américains sont au pouvoir. En un sens, on pourrait presque considérer Les Griffes de la Nuit comme un film réactionnaire et conservateur, puisqu’il reprend le flambeau d’une longue série de films américains qui présentent des tueurs s’attaquant à des teenagers découvrant les plaisirs de toutes sortes et plus particulièrement, le sexe ! En gros le discours des films d’horreur des années 80, comme dans Vendredi 13, est : « Baiser, c’est mal ! Alors, un méchant tueur va s’occuper de ton cas ! ». Ces films appartiennent à un sous-genre du cinéma d'épouvante: le slasher !

Mais alors que ces films d’horreur sont pour la plupart de bonnes vieilles "zéderies" amusantes, Les Griffes de la Nuit est d’une redoutable efficacité. Il fait peur, grâce à un script extrêmement malin qui présente un tueur en provenance de l'au-delà, pénétrant dans les rêves de ses futures victimes.

Si le film a un peu vieilli (mais pas au point de son remake de 2010, ringard dès sa sortie) il tient toujours la route grâce à son méchant, le terrifiant Freddy Krueger - interprété par l'excellent Robert Englund -, l’un des tueurs les plus cultes et originaux de l’histoire du cinéma.

Les Griffes de la Nuit connut quelques suites dont le très bon Freddy sort de la Nuit, réalisé en 1994 par Craven lui-même. A noter que dans le film, on voit un p’tit jeunot, future star du cinéma US : Johnny Depp auquel Wes Craven réserve un sort particulièrement peu ragoutant. Par la suite, le cinéaste connaîtra de nouveau le succès avec la série des Scream*, dans laquelle il s’amuse à jouer avec tous les clichés du slasher, au point d’adopter un ton proche de la parodie.

Ce qui est intéressant, avec cette sélection de trois films - La Nuit des Morts-Vivants, Massacre à la Tronçonneuse et Les Griffes de la Nuit - c'est qu'ils permettent de redécouvrir la façon dont les Etats-Unis ont pratiqué le cinéma d’épouvante sur trois décennies - des années 60 à 80 -. Trois facettes du cinéma d’épouvante, trois regards de cinéastes du genre, trois visions de l’Amérique ! Qui ose encore dire que le cinéma d’épouvante est un genre mineur ?

* On annonce une série TV Scream, sans la participation de Craven, dont la première diffusion US est prévue le 30 juin 2015.

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