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Il trionfo del tempo e del disinganno de Haendel à l’Opéra de Lille

Il trionfo del tempo e del disinganno est autant l’oeuvre d’un jeune musicien de 22 ans que celle d’un vieux compositeur de 72 ans. Haendel a retravaillé cet oratorio à plusieurs périodes de sa vie : c’est un chef-d’oeuvre musical mais aussi la bataille de toute une carrière.

Le triomphe du temps et de la désillusion, en français, ne se laisse pas facilement résumer. Ce n’est pas une action classique ; les différents personnages sont des allégories qui se livrent au débat d’idées. Beauté en proie au doute devant son miroir se demande s’il vaut mieux suivre l’exemple de Plaisir ou les conseils de Temps et de Désillusion... Personne n’est dupe ici de son reflet, le miroir est une lame qui divise le plateau en deux. Un visage peut changer, la beauté s’évanouir : quelle conduite tenir alors face au passage du temps, à la mort ?

Le cœur de la pièce est un conflit moral. Deux parties, deux  gradins, deux scènes : ce n’est  pas que du théâtre, du cinéma ou de la musique. Krzysztof Warlikowski crée les conditions d’un débat public. Le duel oratoire et musical qui se joue avec ses répétitions et variations phrases est doublé par la vidéo qui donne à voir le discours. Par le couloir de verre central, à la fois transparent et réfléchissant, passent les spectatrices et marcheuses ; leurs mouvements permettent aux idées de s’incarner. L’effervescence de la fête ou l’austérité de la retraite.

Si Beauté, charmante poupée incarnée par Ying Fang, est dans un premier temps entraînée par Plaisir, Franco Fagioli, et son goût des limites, elle est peu à peu rattrapée par les figures parentales de Temps et de Désillusion, remarquables Sara Mingardo et Michael Spyres. On ne peut échapper au temps, à la vérité mais le “triomphe” est amer. La Jeunesse incarnée par un danseur muet, cinquième et géniale allégorie, est prise au piège. Elle a beau s’échapper par le corps et  l’excès, d’amour, de drogue et d’alcool elle ne trouve que la mort et Beauté la suit de près...

Sublime memento mori, vanité sans issue, ce spectacle hanté par l’urgence de vivre nous confronte autant aux fantômes d’un passé baroque qu’à nos propres spectres.

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